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Par Roxyraider83 le 6 Février 2009 à 12:04
Groupe sanguin
Toute la matinée, je la suivis au travers des yeux des autres, à peine conscient de mon propre entourage.
Pas les yeux de Mike Newton, parce que je ne pouvais plus supporter ses fantasmes offensants, ni ceux de Jessica Stanley, parce que son ressentiment envers Bella m'agaçait tellement que cela devenait dangereux pour cette pauvre fillette. Angela Weber était un bon choix quand ses yeux étaient disponibles : elle était gentille – c'était agréable d'être dans sa tête. Et puis parfois c'était les professeurs qui avaient le meilleur angle de vue.
Je fus surpris, en la regardant trébucher durant la matinée – en se prenant le pied dans une fissure d'un couloir, dans des livres, et le plus souvent, dans ses propres pieds – que la plupart des gens considèrent Bella comme étant maladroite.
Je pensai à cela. Il était vrai qu'elle avait du mal à garder l'équilibre. Je me souvins comment elle s'était cognée dans un bureau ce premier jour, comment elle avait glissé sur la glace le jour de l'accident, comment elle s'était prit les pieds dans le chambranle hier...Comme c'était bizarre, ils avaient raison. Elle était bel et bien maladroite.
Je ne voyais pas ce qu'il y avait de drôle là dedans, mais je ris si fort alors que je parcourais le chemin entre le cours d'Histoire et le cours d'Anglais que plusieurs personnes me dévisagèrent. Comment avais-je fais pour ne pas remarquer cela ? Peut-être était-ce à cause du fait que j'avais trouvé quelque chose de gracieux dans son immobilité, dans le maintient de sa tête, dans la courbe de sa nuque...
A présent il n'y avait absolument rien de gracieux en elle. M. Varner la regardait s'emmêler les bottes dans la moquette et tomber littéralement sur sa chaise.
Je ris à nouveau.
Le temps passa avec une incroyable lenteur pendant que j'attendais une chance de la voir de mes propres yeux. Enfin, la cloche sonna. Je partit rapidement à la cantine pour mettre mon plan à exécution. Je fus l'un des premiers sur les lieux. Je choisis une table qui était habituellement vide, pour être sur de me faire remarquer en m'asseyant là.
Quand les membres de ma famille entrèrent à leur tour et qu'ils me virent assis seul à une place inhabituelle, ils ne furent pas surpris. Alice avait dû les prévenir.
Rosalie me passa devant sans même m'accorder un regard.
Crétin
Mes relations avec Rosalie n'avaient jamais été très bonnes – je l'avais offensée dès l'instant où j'avais ouvert la bouche en sa présence, et depuis cela ne cessait d'empirer – mais il semblait bien ces derniers temps qu'elle était encore plus remontée contre moi que d'habitude. Je soupirai. Il fallait toujours que Rosalie ramène tout à elle-même.
Jasper m'accorda un petit sourire en passant.
Bonne chance. Pensa-t-il d'un ton dubitatif.
Emmett leva les yeux au ciel et secoua sa tête.
Il a perdu l'esprit, pauvre gosse.
Alice était aux anges, ses dents brillant un peu trop.
Je peux parler à Bella maintenant ?
- Reste en dehors de ça. Rétorquai-je à vois basse.
Elle fit la moue, puis retrouva sa béatitude.
Pas grave. Tu peux t'obstiner autant que tu veux. Ce n'est plus qu'une question de temps.
Je soupirai à nouveau.
N'oublie pas l'expérience de biologie d'aujourd'hui. Me rappela-t-elle
J'opinai. Non, je n'avais pas oublié cela.
Pendant que j'attendais la venue de Bella, je la suivis par les yeux d'un première année qui marchait derrière Jessica sur le chemin de la cantine. Jessica tenait un long discours à propos du bal, mais Bella ne disait rien, elle. Il faut dire que Jessica ne lui donnait pas le temps d'en placer une.
Dès l'instant où Bella passa la porte, ses yeux allèrent directement vers la table où mes frères et sœurs étaient. Elle resta un moment à la fixer, puis son visage se décomposa et ses yeux tombèrent au sol. Elle ne m'avait pas vu.
Elle avait l'air si...triste. Je ressentis le besoin urgent de me lever et de la rejoindre, d'essayer de la consoler, seulement je ne savais pas de ce qu'elle pourrait y trouver de réconfortant. Je n'avais pas la moindre idée ce qui avait bien pu lui faire de la peine. Jessica continuait son monologue enflammé sur le bal. Est-ce que Bella était triste parce qu'elle n'allait pas y aller ? Cela semblait peu vraisemblable...
Mais on pourrait y remédier, si elle le souhaitait.
Elle n'acheta rien d'autre qu'une boisson. Etait-ce normal ? N'avait-elle pas besoin d'un peu plus de nourriture ? Je n'avais jamais vraiment prêté attention au régime alimentaire humain auparavant.
Les humains étaient d'une fragilité si exaspérante ! Il y avait un bon million de raison de s'inquiéter à leur sujet...
- Edward Cullen te mate une fois de plus, entendis-je Jessica dire. Je voudrais bien savoir pourquoi il s'est isolé, aujourd'hui.
Je ressentis un élan de gratitude envers Jessica – même si son ressentiment pour Bella était encore plus fort à présent – en voyant la tête de Bella se redresser brusquement et ses yeux chercher dans la foule jusqu'à rencontrer les miens.
Il ne restait plus la moindre trace de peine sur son visage maintenant. Je me permis d'espérer que si elle avait été triste, c'était parce qu'elle avait cru que j'étais parti, et cet espoir me fit sourire.
Avec mon index, je lui fis signe de me rejoindre. Elle sembla alors si ahurie que j'eu envie de continuer à la taquiner.
Alors je lui lançai un clin d'œil, et elle fut bouche bée.
- C'est à toi qu'il s'adresse ? Demanda Jessica d'un ton insultant.
- Il a peut-être besoin d'un coup de main pour son devoir de science nat, dit-elle d'une petite voix incertaine. Il vaut mieux que j'y aille.
C'était un autre oui.
Elle trébucha deux fois sur le chemin entre la fille d'attente et ma table, alors qu'il n'y avait absolument rien en travers de sa route à part du lino parfaitement plat. Sérieusement, comment avais-je fait pour ne pas remarquer ça avant ? Peut-être que je m'étais trop focalisé sur son silence mental...Qu'avais-je loupé d'autre ?
Reste honnête, reste clair, me chantais-je.
Elle s'arrêta derrière la chaise face à moi, hésitante. J'inhalai profondément, par le nez cette fois, plutôt que par la bouche.
Ressens la brûlure Pensai-je sèchement.
- Et si tu t'asseyais avec moi ? Lui proposai-je.
Elle tira la chaise et s'y assit, sans pour autant me lâcher des yeux. Elle semblait peut-être nerveuse, mais son obtempération restait un autre oui.
J'attendais qu'elle parle.
Cela prit un moment, puis, finalement, elle dit :
- Quel revirement.
- Disons que...
J'hésitai.
- J'ai décidé, puisque je suis voué aux Enfers, de me damner avec application.
Mais par tous les diables qu'est-ce qui m'avait prit de lui dire ça ? C'était honnête, pas de doute là-dessus. Peut-être qu'en lisant entre les lignes elle comprendrait la signification de mes paroles. Peut-être qu'elle réaliserait qu'elle ferait mieux de se lever et de promptement mettre autant de distance que possible entre nous...
Elle ne se leva pas. Elle me regardait, interrogative, comme si je n'avais pas fini ma phrase.
- Tu sais, dit-elle puisque je conservais le silence, je n'ai pas la moindre idée de ce que tu entends par là.
Et j'en fus soulagé. Je souris
- Ca ne m'étonne pas.
Impossible d'ignorer les pensées qui me criaient dessus dans son dos – cela tombait bien, je désirais changer de sujet de conversation, moi aussi.
- Je crois que tes amis m'en veulent de t'avoir enlevée.
- Ils s'en remettront, répondit-elle, apparemment indifférente à la réaction que pourrait avoir ses camarades.
- Sauf si je ne te relâche pas.
Je ne savais plus trop si j'essayais d'être le plus honnête possible avec elle où si j'avais juste envie de continuer à la taquiner. Sa proximité me rendait tout simplement incapable de mettre de l'ordre dans mes propres pensés.
Bella déglutit bruyamment. Son expression me fit rire.
- Ca a l'air de t'inquiéter.
Ca ne devrait normalement pas être drôle...elle avait toutes les raisons du monde d'être inquiète.
- Non.
C'était une menteuse pitoyable, elle n'avait pas été capable de retenir les trémolos dans sa voix.
- Ca m'étonne, ajouta-t-elle, pourquoi cette volte-face ?
- Je te l'ai dit. Lui rappelai-je. Je suis las de m'acharner à garder mes distances avec toi. J'abandonne.
Je gardais mon sourire en place, non sans efforts. Ca ne fonctionnait pas – essayer d'être à la fois honnête et désinvolte.
- Tu abandonnes ? Répéta-t-elle, déconcerté.
- Oui. Je renonce à être sage. ( et, apparemment, je renonçai dans le même temps à ma désinvolture ) Désormais, je ferais ce que je veux, et tant pis pour les conséquences.
Cela avait le mérite d'être honnête. Ca l'avertissait tout en lui montrant toute l'étendue de mon égoïsme.
- Encore une fois, je ne te comprends pas.
Et j'étais assez égoïste pour en être heureux.
- Je parle trop, en ta compagnie. C'est l'un des problèmes que tu me poses, d'ailleurs.
Un problème plutôt insignifiant, si on le compare au reste.
- Ne te tracasse pas, me rassura-t-elle, tous m'échappe.
Bien. Dans ce cas elle pouvait rester.
- J'y compte bien.
- Alors, en bon anglais, ça signifie que nous sommes de nouveau amis ?
Je méditai là dessus une seconde.
- Amis...
Il y avait quelque chose dans le terme utilisé qui me déplaisait. Ce n'était pas assez.
- Ou ennemis, marmotta-t-elle, semblant embarrassée.
Pensait-elle que je ne l'appréciais pas ?
Je souris.
- Eh bien, on peut toujours essayer. Mais je te préviens d'ores et déjà que je ne suis pas l'ami qu'il te faut.
J'attendis sa réponse, déchiré en deux – souhaitant d'un côté qu'elle comprenne enfin ce que je m'échinais à lui dire, et sentant d'un autre côté que je pourrais en mourir. C'était d'un mélodramatique. Me voilà qui redevenais humain.
Son cœur d'affola.
- Tu te répètes. Dit-elle.
- Oui, parce que tu ne m'écoutes pas. Répondis-je avec beaucoup trop de ferveur. Je continue d'espérer que tu me croiras. Si tu es un tant soit peu intelligente, tu m'éviteras.
Oui mais, serais-je capable de lui permettre de m'éviter, si elle essayait ?
Ses yeux se durcirent.
- Il me semble que tu m'as déjà signifié ce que tu pensais de mon intellect.
Je n'étais pas exactement sûr de ce qu'elle entendait par là, mais je lui adressai un sourire d'excuse, craignant de l'avoir un jour offensé par accident.
- Alors, dit-elle posément, tant que je suis...idiote, on essaie d'être amis
- Ca me paraît correct.
Elle baissa ses yeux et fixa intensément la bouteille qu'elle tenait dans ses mains.
Ma vieille curiosité revint me tourmenter.
- A quoi penses-tu ? Demandais-je
Quel soulagement c'était de pouvoir enfin dire ces mots à hautes voix.
Elle croisa mon regard, et sa respiration s'accéléra tandis que ses joues se colorèrent d'un rose pâle. J'inspirai, goûtant cela dans l'air environnant.
- Je m'efforçais de deviner qui tu es.
Je figeai mes traits pour parvenir à maintenir mon sourire en place, alors que la panique tordait tout mon corps.
Evidemment qu'elle demandait ce que j'étais. Elle n'était pas stupide. Je ne pouvais quand même pas espérer qu'elle oublie quelque chose de si évident.
- Ca donne des résultats ? Demandai-je avec le peu de légèreté qui me restait.
- Pas vraiment.
Je fus si soudainement soulagé que je ne pu retenir un petit rire.
- Tu as des théories ?
Elles ne pouvaient pas être pires que la réalité, quoi qu'elle me sorte.
Ses joues tournèrent du rose pâle au rouge vif, mais elle garda le silence. Je pouvais sentir la chaleur de son fard dans l'air.
Je tentai d'utiliser avec elle mon ton le plus avenant. Il fonctionnait à merveille avec la plupart des humains.
- Tu ne veux rien dire ?
- Trop embarrassant. Refusa-t-elle en secouant sa tête.
Ah. Ne pas savoir était pire que tout. En quoi ses spéculations pouvaient l'embarrasser, elle ? Je ne pouvais pas supporter de rester sur le carreau.
- C'est très frustrant, tu sais.
Ma plainte la piqua au vif. Ses yeux lancèrent des éclairs et elle déversa un flot de parole avec une rapidité inhabituelle.
- Non. J'ignore complètement ce qu'il peut y avoir de frustrant dans le fait qu'une personne refuse d'avouer ce à quoi elle pense, alors qu'une personne passe son temps à lancer des remarques sibyllines spécifiquement destinées à flanquer des insomnies à la première en la forçant à chercher leur sens caché...voyons ! En quoi pourrait-il être frustrant ?
Face à elle, je fronçai les sourcils, attristé de réaliser qu'elle avait raison. Je n'étais pas juste.
- Autre exemple, continua-t-elle, admettons que cette même personne ait commis tout un tas d'actes étranges, comme sauver la vie de la première dans des circonstances improbables un jour pour la traiter en paria le lendemain sans prendre jamais la peine de l'expliquer, bien qu'elle l'ait promis, ça non plus ne serait pas du tout frustrant.
C'était le plus long discours que je ne l'avais jamais entendu prononcer, et cela me permit de compléter ma liste.
- Tu as vraiment sale caractère, hein ?
- Je n'apprécie guère qu'il y ait deux poids deux mesures.
Son irritation était totalement justifiée, évidemment.
Je dévisageai Bella, me demandant comment je pourrais faire quoi que ce soit de bien vis-à-vis d'elle, jusqu'à ce que je fusse distrait par des éclats de voix venant de la tête de Mike Newton.
Il était si agacé qu'il me fit rire.
- Quoi ? Lança-t-elle.
- Ton petit copain a l'air de penser que je suis désagréable avec toi. Il se demande s'il doit venir séparer les duellistes.
J'adorerais le voir essayer. Je m'esclaffai de plus belle.
- Bien que j'ignore de qui tu parles, Dit-elle de d'une voix glaciale, je suis certaine que tu te trompes.
La façon dont elle le reniait avec sa phrase aux accents dédaigneux me plu énormément.
- Oh que non ! Je te l'ai déjà dit, la plupart des gens sont faciles à déchiffrer.
- Sauf moi.
- En effet.
Pourquoi devait-elle être sans arrêt une exception à tout ? N'aurait-il pas été un peu plus loyal – considéré la masse de choses auxquelles je devais faire face – si j'avais pu entendre au moins quelque chose venant de son esprit ? Etait-ce trop demander ?
- Je voudrais bien savoir pourquoi. Ajoutai-je.
Je regardai fixement ses yeux, essayant à nouveau...
Elle détourna le regard. Elle ouvrit sa bouteille et avala une gorgée de soda, ses yeux sur la table.
- Tu ne manges pas ? Demandai-je
- Non, dit-elle, puis elle montra du regard notre table vide et ajouta : Et toi ?
- Je n'ai pas faim. Répondis-je.
Ca c'était sûr.
Elle regarda la table, lèvres pincées. J'attendis.
- Tu me rendrais un service ? Demanda-t-elle, levant soudain les yeux vers moi.
Qu'attendait-elle de moi ? Allait-elle me demander de lui dire la vérité, une vérité que je n'étais pas autorisé à divulguer, une vérité que je ne voulais jamais, oh grand jamais, qu'elle sache un jour ?
- Ca dépend.
- Ce n'est pas grand-chose. Me promit-elle
J'attendis, ma curiosité de retour.
- C'est seulement que...dit-elle lentement, les yeux vissés à sa bouteille, son petit doigt traçant les contours du goulot, pourrais-tu m'avertir à l'avance de la prochaine fois que tu décideras de m'ignorer pour mon bien ? Histoire que je me prépare.
Elle voulait que je la prévienne ? Alors être ignorée de moi devait lui être désagréable...je souris.
- C'est une requête qui me paraît fondée.
- Merci. Dit-elle en relevant la tête.
Le soulagement se lisait clairement sur son visage et je me sentis si léger que j'eu envie de rire.
- A mon tour d'obtenir une faveur. Demandai-je avec espoir.
- Juste une, alors. Permit-elle.
- Confie-moi une de tes théories
Elle piqua un fard.
- Pas ça.
- Trop tard ! Tiens parole.
- C'est toi qui as tendance à trahir la tienne. Me rappela-t-elle.
Elle marquait un point là.
- Allez, rien qu'une. Je te promets de ne pas me moquer.
- Je suis persuadée du contraire.
Elle semblait bien sûr de ce qu'elle disait, alors que pour ma part je ne pouvais rien imaginer de drôle à ce sujet.
J'essayai à nouveau la persuasion. Je plongeai dans son regard – ses yeux étaient si profond que ce fut un jeu d'enfant – et soupirai :
- Je t'en prie.
Elle battit des paupières, et son visage perdit toute expression, pâlissant à vue d'œil.
Et bien, ce n'était pas exactement la réaction escomptée.
- Euh...pardon ? Bredouilla-t-elle.
Elle semblait prise de vertiges. Mais qu'est-ce qui ne tournait pas rond chez elle ?
Mais je n'avais pas dit mon dernier mot.
- S'il te plait, une de tes théories. Plaidai-je, usant de ma voix la plus douce et enfermant ses yeux dans les miens.
A ma plus grande surprise – et satisfaction, ça marcha enfin.
- Eh bien, disons...mordu par une araignée radioactive ?
Des bandes dessinées ? Maintenant je voyais parfaitement pourquoi elle pensait que j'allais rire.
- Pas très original. La grondai-je, essayant de cacher mon soulagement.
- Désolé, je n'ai que ça en réserve. Dit-elle, offensée.
Ce qui me soulagea encore plus. Je pouvais recommencer à la taquiner.
- En tout cas, tu es à des kilomètres de la vérité.
- Pas d'araignée ?
- Non.
- Ni de radioactivité ?
- Non plus.
- Flûte ! Soupira-t-elle.
- Et je suis insensible à la kryptonite. M'empressai-je d'ajouter avant que l'on s'étende sur le thème des morsures en tout genre.
L'idée qu'elle puisse me voir comme un super héro me fit rire malgré moi.
- Tu n'es pas censé rire.
Je pressai mes lèvres l'une contre l'autre.
- Je finirai par deviner. Promit-elle.
Et quand ce moment arrivera, elle s'en ira loin de moi.
- Je préférerais que tu n'essayes pas. Dis-je, toute trace de plaisanterie désormais évacuée.
- Pourquoi ?
Je lui devais d'être honnête. Je lui souris et tâchai toutefois de rendre mes paroles aussi peu menaçantes que possible.
- Et si je n'étais pas un super héro, mais juste un méchant ?
Ses yeux s'agrandirent de quelques millimètres et ses lèvres s'entrouvrirent
- J'y suis ! S'exclama-t-elle
Ca y'est, elle m'avait enfin compris.
- Vraiment ? Demandai-je, essayant tant bien que mal de ne pas laisser mon agonie transparaître.
- Tu es dangereux...devina-t-elle.
Sa respiration s'accéléra brutalement et son cœur s'affola.
Je ne pouvais répondre. Etait-ce là mes derniers instants en sa compagnie ? Allait-elle s'enfuir en courant, maintenant ? Si oui, pourrais-je lui déclarer ma flamme avant qu'elle ne me quitte, ou est-ce que cela ne ferait qu'empirer les choses ?
- Mais pas méchant. Chuchota-t-elle en secouant la tête, et je ne vis aucune trace de peur dans ses yeux. Non, je ne crois pas que tu sois méchant.
- Tu te trompes. Dis-je en un souffle.
Evidemment que j'étais méchant. N'étais-je pas heureux, maintenant que je savais qu'elle m'estimait plus que je ne le méritais ? Si j'étais vraiment quelqu'un de bien, j'aurais trouvé un moyen de garder mes distances avec elle.
Je tendis la main, sous prétexte de m'emparer du bouchon de sa bouteille de soda. Elle n'eu pas le moindre mouvement de recul devant la soudaine proximité de ma main. Elle n'avait vraiment pas peur de moi. Pas encore.
Je fis tourner le bouchon comme une toupie, le regardant au lieu de la regarder, elle. Mes pensées étaient confuses.
Cours, Bella, cours. Je ne pouvais me résoudre à prononcer ces mots à haute voix.
Elle bondit de sa chaise.
- On va être en retard.
Elle dit cela alors que je commençais à craindre qu'elle ait réussi à percevoir mon avertissement tût.
- Je ne vais pas en science nat aujourd'hui.
- Pourquoi ?
Parce que je ne veux pas te tuer.
- Un peu d'école buissonnière de temps en temps est bon pour la santé.
Ou, plus exactement, que les vampires s'abstiennent d'assister aux cours où le sang allait couler était bon pour la santé des humains. M. Banner avait prévu le TP sur les groupes sanguins aujourd'hui. Alice avait déjà séché son cours ce matin.
- Eh bien, moi, j'y vais. Déclara-t-elle.
Cela ne me surprit pas le moins du monde. C'était quelqu'un de responsable – elle faisait toujours ce qu'il fallait.
Mon opposé.
- A plus tard, alors. Dis-je, essayant de retrouver ma désinvolture, baissant les yeux pour regarder le bouchon qui tournoyait. Et, pendant que j'y suis, sache que je t'adore...à un point que c'en devient effrayant et dangereux.
Elle hésita, et je me pris à espérer qu'elle allait finalement décider de rester avec moi. Mais la cloche sonna et elle se précipita vers la sortie.
J'attendis qu'elle fut sortie, puis je mis le bouchon dans ma poche – en souvenir de cette discussion capital – et sorti sous la pluie rejoindre ma voiture.
Je mis dans le lecteur le CD le plus relaxant que j'avais – le même que j'avais écouté ce premier jour – mais je n'écoutai pas les accords de Debussy bien longtemps. Dans ma tête se jouaient d'autres notes, un fragment d'un air qui me plaisait et m'intriguait. Je baissai le son de la stéréo et écoutai la musique dans ma tête, jouant avec le fragment jusqu'à le faire évoluer en une harmonie plus complète. Instinctivement, mes doigts bougèrent en rythme comme s'ils parcouraient les touches d'un piano.
Cette nouvelle composition était presque finie quand une vague d'angoisse mentale attira mon attention.
Je regardai en direction de ces cris de détresse.
Est-ce qu'elle va s'évanouir ? Je fais quoi moi, si elle s'évanouie, je fais quoi ? Paniquait Mike.
A cent mètre de là, Mike Newton traînait le corps mou de Bella dans l'allée. Elle s'effondra sur le béton humide, les yeux clos, son teint d'une pâleur de craie, telle un cadavre.
Je failli arracher la portière de la voiture.
- Bella ! Hurlai-je.
Je ne vis aucun changement d'expression sur son visage sans vie.
Tout mon corps se gela.
Je fus averti de la surprise de Mike lorsque je passai au crible ses pensées. Il ne pensait qu'à sa haine pour moi, ce qui ne me permit pas de savoir ce qui avait mit Bella dans cet état. S'il s'avérait qu'il ait fait quoi que ce soit pour la blesser, je l'anéantirais.
- Que se passe-t-il ? Elle est blessée ? L'interrogeai-je, essayant de concentrer ses pensées.
Devoir marcher à une vitesse humaine à un moment pareil – c'était à vous rendre fou. Je n'aurais pas dû signaler ma venue.
Je pu bientôt entendre son pouls et même sa respiration. Tandis que je la regardais, je la vis serrer un peu plus fort ses paupières. Cela me calma un peu.
Je vis un sursaut de mémoire dans la tête de Mike, un éclaboussement d'images venant de la salle de sciences nat. La tête de Bella appuyée sur notre table, sa peau déjà pâle virant au vert. Des écoulements de liquide rouge sur des cartes blanches...
Le TP sur les groupes sanguins.
Je m'arrêtai là où j'étais, retenant ma respiration. Son odeur était une chose, une hémorragie de son sang à elle en était une autre, bien différente.
- Je crois qu'elle a perdu connaissance. Dis Mike, à la fois plein de ressentiment à mon égard et anxieux. Je ne sais pas pourquoi, elle n'a même pas eu le temps de se piquer le doigt.
Je fus comme lavé par le soulagement, et m'autorisai à respirer à nouveau, pour goûter l'air. Ah, je pouvais sentir la petite goutte de sang sur le doigt de Mike Newton. Jadis, cela m'aurait tenté.
Je m'agenouillai près d'elle, Mike rodant autour de moi, furieux de mon intervention.
- Bella, tu m'entends ?
- Non, gémit-elle. Fiche le camp.
Le soulagement était si exquis que j'en ris. Elle allait bien.
- Je l'emmenais à l'infirmerie, dit Mike, mais elle n'a pas réussi à aller plus loin.
- Je m'en occupe. Toi, retourne en classe. Le congédiai-je.
- Non ! Protesta-t-il en serrant les dents, on me l'a confiée.
Je n'allais certainement pas souffrir un débat avec le pauvre petit malheureux de service. Frissonnant de plaisir et de terreur, tout aussi ravi qu'affligé par cette épreuve qui m'obligeait à la toucher, je soulevai Bella tendrement et la pris dans mes bras, veillant à ne toucher que ses vêtements, gardant autant de distance que possible entre nos deux corps, tout en marchant à grandes enjambées, pressé de la mettre en lieu sûrs, en d'autres termes le plus loin de moi possible.
Ses yeux s'ouvrirent en grand, stupéfaits.
- Lâche-moi ! Ordonna-t-elle d'une voix faible
Je jugeai à son expression qu'elle était embarrassée. Elle n'aimait pas montrer sa faiblesse aux autres.
J'entendis à peine Mike protester, derrière nous.
- Tu as une mine affreuse. Lui dis-je avec un grand sourire.
A part une petite nausée et un vertige, elle allait bien.
- Repose-moi par terre. Dit-elle, ses lèvres blanchâtres.
- Alors, comme ça, tu t'évanouis à la vue du sang ?
Y'avait-il au monde chose plus ironique ?
Elle ferma les yeux et pinça les lèvres.
- Et il ne s'agit même pas du tien, ajoutai-je, toujours aussi euphorique.
Nous étions devant l'accueil. La porte était entrouverte et je donnais un coup de pied dedans pour l'écarter de mon chemin.
Mme Cope bondit de sa chaise.
- Oh mon dieu ! S'écria-t-elle en voyant la fille quasiment inconsciente dans mes bras.
- Elle est tombée dans les pommes pendant le cours de biologie. Expliquai-je, avant que son imagination n'aille trop loin.
Mme Cope se dépêcha d'aller ouvrir la porte de l'infirmerie. Les yeux de Bella étaient à nouveau ouverts, fixant la secrétaire. J'entendis les pensées stupéfaites de l'infirmière – une femme d'un certain âge – lorsque qu'elle me vit allonger précautionneusement la jeune fille sur le lit miteux. Dès que j'eu déposé Bella, je m'éloignai d'elle autant que la salle le permettait. Mon corps était en proie à une telle vague de désir et d'excitation que c'en était dangereux, mes muscles étaient tendus et le venin inondait ma bouche. Elle était chaude...son parfum était si enivrant...
- Rien qu'une petite perte de connaissance, rassurai-je Mme Hammond. On pratiquait un test sanguin en science nat.
- Ca ne rate jamais, acquiesça-elle.
J'étouffai un rire. Comptez sur Bella pour être « celle qui ».
- Reste allongée un moment, petite, ça va passer.
- Je sais. Soupira Bella.
- Ca t'arrive souvent ? Demanda l'infirmière.
- Parfois. Admit-elle.
Je tentai de maquiller mon rire en toussotement. Cela attira l'attention de l'infirmière.
- Tu peux retourner en cours, dit-elle.
Je la regardai droit dans les yeux et lui mentit avec la plus ferme assurance qu'il soit.
- Je suis censé rester avec elle.
Hmm. Je me demande si...oh et puis bon. Mme Hammond opina.
Ca avait parfaitement marché. Pourquoi fallait-il que Bella pose autant de problème ?
- Je vais te chercher un peu de glace pour ton front, petite.
Ma présence rendait la veille dame légèrement mal à l'aise. Elle n'osa pas me regarder dans les yeux – réaction classique pour les humains normaux – et quitta la pièce.
- Tu avais raison, marmonna Bella, fermant les yeux.
Que voulait-elle dire ? Je sautai directement sur la pire conclusion : elle acceptait mes mises en gardes.
- C'est souvent le cas. Dis-je, essayant de la charrier cependant que ma voix semblait sourde. A propos de quoi, cette fois ?
- Sécher est bon pour la santé.
Ah, encore un soulagement.
Elle garda le silence. Elle se contentait d'inspirer et d'expirer lentement. Ses lèvres commencèrent à retrouver une teinte rose. Sa bouche était légèrement asymétrique, sa lèvre inférieure un petit peu trop pleine comparée à sa lèvre supérieure. Observer ainsi sa bouche me fit une impression étrange. J'avais envie de m'en approcher, même si ce n'était pas une très bonne idée.
- Tu m'as flaqué une sacrée frousse, dis-je pour relancer la conversation – et entendre sa voix à nouveau. J'ai cru que Mike Newton s'apprêtait à aller enterrer ta dépouille dans la forêt.
- Ha, ha.
- Franchement, j'ai vu des cadavres qui avaient meilleure mine. (Véridique) J'ai craint un instant de devoir venger ton assassinat.
Ce que j'aurais fait, aucun doute là-dessus.
- Pauvre Mike, soupira-t-elle. Je parie qu'il est furax.
Une pulsion de fureur me traversa, mais je me contrôlai. Son apparente implication à son égard n'était sûrement que de la pitié. Elle était gentille. Ca n'allait pas au-delà.
- Il me déteste. Dis-je, égayé par cette simple idée.
- Tu n'en sais rien.
- J'en suis sûr, je l'ai lu sur son visage.
Son expression faciale aurait, en effet, pu m'amener aux mêmes conclusions. L'expérience que j'avais acquise en m'entraînant à interpréter les expressions de Bella m'avait sûrement donné le talent de lire sur les visages.
- Comment se fait-il que tu nous aies aperçus ? Je croyais que tu avais quitté le lycée...
Elle avait meilleure mine – plus aucune trace de vert sous sa peau translucide.
- J'écoutai un CD dans ma voiture.
Ses traits s'affaissèrent, comme si ma réponse pour le moins banale l'avait surprise.
Elle ouvrit les yeux quand Mme Hammond revint avec la compresse froide
- Tiens, dit l'infirmière en étalant la compresse sur son front. Tu as repris des couleurs.
- Je crois que ça va. Dit Bella en s'asseyant et en écartant la compresse.
Evidemment. Elle n'aimait pas qu'on s'occupe d'elle.
Les mains ridées de Mme Hammond s'avancèrent vers elle, comme si elle allait la forcer à se rallonger, mais à ce moment là Mme Cope ouvrit la porte de l'infirmerie et passa la tête par l'entrebâillement. Avec son arrivée vint l'odeur du sang frais, à petite dose cependant.
Invisible, derrière la secrétaire, Mike Newton était toujours aussi en colère, souhaitant que le garçon qu'il traînait lourdement fût Bella.
- Nous en avons un deuxième, annonça Mme Cope.
Bella bondit sur ses pieds, impatience de ne plus avoir les feux braqués sur elle.
- Tenez, dit-elle en rendant sa compresse à Mme Hammond, je n'en ai pas besoin.
Mike grogna en soutenant tant bien que mal Lee Stevens pour entrer dans l'infirmerie. Du sans coulait encore de la main que Lee portait à son visage, dégoulinant sur son poignet.
- Flûte.
Il fallait que je m'en aille rapidement – tout comme Bella, semblait-t-il.
- Va dans le bureau, Bella.
Décontenancée, elle me regarda avec sa fameuse expression abasourdie.
- Fais-moi confiance et file.
Elle tourna les talons et attrapa la porte avant qu'elle ne se referme complètement, se précipitant hors de l'infirmerie. J'étais à quelques millimètres d'elle. Sa chevelure fluide caressait ma main...
Elle se retourna pour me regarder, ses yeux marquant toujours sa confusion.
- Tu m'as obéis, pour une fois. M'étonnai-je.
- J'ai détecté l'odeur du sang. Expliqua-t-elle en fronçant le nez.
Je la regardai fixement, surpris.
- Pour la plupart des gens, le sang n'a pas d'odeur.
- Pour moi si. Un mélange de rouille...et de sel. Qui me rend malade.
Mes traits se figèrent.
Etait-elle vraiment humaine ? Elle ressemblait à un être humain. Elle était aussi douce qu'eux. Elle sentait comme eux – bien meilleur qu'eux en fait. Elle agissait comme eux ...à quelques exceptions près. Mais elle ne pensait pas comme un être humain, ne réagissait pas comme eux.
Que pouvait-elle être d'autre ?
- Quoi ?
- Rien.
Mike Newton nous interrompit en pénétrant dans la pièce avec sa charge de pensées violente et de ressentiments.
- Tu as l'air d'aller beaucoup mieux. Lui dit-il d'un ton accusateur qui frôlait la grossièreté.
Ma main frémit, désirant lui apprendre les bonnes manières. Il allait falloir que je me surveille, sinon j'allais finir par vraiment tuer cette espèce d'insupportable morveux.
- Contente-toi de garder tes mains dans tes poches. Dit-elle.
Pendant un instant de délire, je cru qu'elle s'adressait à moi.
- Le test est fini, dit-il d'un ton maussade. Tu reviens en cours ?
- Tu plaisantes ? Je me retrouverais ici aussi sec.
Parfait. Moi qui croyais au départ que j'allais manquer une heure complète en sa compagnie, et maintenant j'avais droit à du temps supplémentaire. Je sentis l'avidité monter en moi, comptant chaque minute.
- Mouais...Au fait, tu es partante, pour ce week-end ? La balade à la mer ?
Ah, ils avaient des projets ensemble. La colère me figea là où j'étais. C'était une sortie de groupe. J'en avais entendu parler – dans la tête de certains élèves. Il n'empêche que j'étais furieux. Je m'adossais au comptoir, essayant de me calmer.
- Bien sûr, lui promit-elle, c'était entendu, non ?
Alors comme ça elle lui avait dit oui, à lui aussi. La jalousie me brûlait, plus douloureuse que la soif.
Non, ce n'était qu'une sortie de groupe, essayai-je de me convaincre. Elle passait la journée avec ses amis, point barre.
- Rendez-vous au magasin de mon père, alors. A dix heures. Et Cullen n'est PAS invité.
- J'y serai
- On se voit en gym
- C'est ça.
Il retourna en cours, ses pensées fulminant contre moi. Qu'est-ce qu'elle lui trouve, à ce monstre ? Bon, il est riche, c'est sûr. Les poulettes le trouvent hot, mais je ne vois vraiment pas en quoi. Il est trop...trop parfait. Je parie que le père fait ses expériences de chirurgie plastique sur eux. C'est pour ça qu'ils sont tous si beau et pâles. Ce n'est pas naturel tout ça. Et puis aussi il est un peu...effrayant. Parfois quand il me regarde, je jurerais qu'il pense à la meilleure manière de m'assassiner...Sale monstre...
Mike ne manquait pas totalement de discernement.
- Ah, la gym ! Répéta Bella. Un gémissement.
Je la regardai, et vis que quelque chose la chagrinait. Je n'étais pas sûr de savoir quoi, mais il était évident qu'elle ne voulait pas retrouver Mike dans son prochain cours, et cela m'allait parfaitement.
Je vins à ses côtés et me penchais si près de son visage que je pouvais sentir la chaleur que sa peau irradiait sur mes lèvres. Je n'osai pas respirer.
- Je peux arranger ça. Murmurai-je à son oreille. Va t'asseoir et tâche d'avoir l'air malade.
Elle s'exécuta, s'asseyant sur une chaise pliante et appuya son dos sur le mur tandis que, derrière moi, Mme Cope revint s'asseoir à son comptoir. Avec ses yeux fermés, Bella semblait bel et bien évanouie. Toutes ses couleurs ne lui étaient pas encore revenues.
Je me tournais vers la secrétaire. Une chance que Bella nous écoute, pensais-je ironiquement. Ainsi elle saurait comment un humain était censé réagir face à moi.
- Mme Cope ? L'appelai-je, usant de ma voix la plus persuasive.
Ses yeux papillonnèrent et son cœur s'affola. Trop jeune, contrôle toi !
- Oui ?
Intéressant. Si le pouls de Shelly Cope s'accélérait, c'était parce qu'elle me trouvait physiquement attirant, pas parce qu'elle avait peur de moi. Je m'étais depuis longtemps habitué à cette réaction des humaines que je rencontrais...mais je n'avais jusqu'à présent jamais envisagé cette explication pour ce qui était du pouls de Bella.
Cela me plaisait. Beaucoup trop, à vrai dire. Je souris, et la respiration de Mme Cope devint plus bruyante.
-Bella a cours de gym, après, et je ne pense pas qu'elle soit assez bien. Elle fait, je me demande si je ne devrais pas la ramener chez elle. Vous croyez que vous pourriez lui épargner cette épreuve ?
Je la regardais droit dans ses yeux, hilare face au bug qui ralentissait son processus de pensée – et dont j'étais sans aucun doute à l'origine. Etait-il possible que Bella... ?
Mme Cope dû déglutir bruyamment avant de pouvoir répondre.
- Et toi, Edward, tu as aussi besoin d'un mot d'excuse ?
- Non, j'ai Mme Goff, elle comprendra.
Je ne lui accordais plus la même attention à présent, tant je m'abîmais dans cette nouvelle possibilité qu'il me fallait explorer. Hmm. J'aimerais croire que Bella puisse me trouver attirant, comme c'était le cas des autres humaines, mais y avait-il une seule occasion où Bella réagissait comme les autres ? Je ne devais pas me faire d'illusions.
- Bon, c'est d'accord. Tu te sens mieux, Bella ?
L'intéressée opina faiblement – sur-jouant un peu.
- Tu es en état de marcher où il faut que je te porte ? Demandai-je, amusé par son mauvais jeu d'actrice.
Elle allait dire qu'elle allait se débrouiller. Elle ne voulait pas sembler faible.
- Je me débrouillerai
Encore gagné. Je devenais bon à ce petit jeu.
Elle se leva, hésita pendant une seconde, comme pour tester son équilibre. Je lui tins la porte, et nous sortîmes sous la pluie.
Alors que je la regardais, elle leva le visage vers la pluie, les yeux clos, un léger sourire aux lèvres. Mais à quoi pensait-elle ? Quelque chose dans son attitude clochait, et je sus vite pourquoi cette posture ne m'était pas familière. Les filles humaines normales ne font jamais ça, parce qu'elles mettent du maquillage, même ici, dans cette ville dégoulinante d'humidité.
Bella ne se maquillait jamais, et elle avait bien raison. L'industrie des cosmétiques recevait des milliards de dollars de la part de femmes qui tentent par tous les moyens d'avoir une peau comme la sienne.
- Ca vaudrait presque le coup d'être malade, ne serait-ce que pour manquer la gym, me dit-elle en me souriant. Merci.
Je balayai le campus du regard, cherchant un moyen de la garder un peu plus longtemps près de moi.
- De rien. Répondis-je.
- Tu viendras ? Samedi ? Demanda-t-elle, pleine d'espoir.
Ah, comme son espoir était apaisant. Elle me voulait auprès d'elle, moi, pas Mike Newton. Et je désirais dire oui. Mais il y avait tellement de choses à prendre en considération. Premièrement, ce Samedi, le temps serait dégagé, il y aurait du soleil...
- Où allez-vous, exactement ? Demandai-je en essayant de prendre une voix distante, comme si cela m'importait peu.
Mike avait parlé de plage. Mes chances de me cacher du soleil étaient minces.
- A La Push. First Beach pour être exacte.
Zut! Et bien, c'était impossible.
De toute façon, Emmett m'en aurait voulu si j'avais décidé d'annuler nos plans.
Je lui jetai un regard en biais, souriant d'un air ironique
- Je ne crois pas avoir été invité.
- Qu'est-ce que je suis en train de faire ? Soupira-t-elle, déjà résignée.
- Soyons sympa avec ce pauvre Mike, toi et moi. Ne le provoquons pas plus que nécessaire. Nous ne voudrions pas qu'il morde.
Je m'imaginais mordre le pauvre Mike moi-même, image qui me provoqua un intense plaisir.
- Maudit Mike. Dit-elle, dédaigneuse cette fois encore. Je souris de toutes mes dents.
Puis, elle commença à s'éloigner de moi.
Sans réfléchir, je la rattrapai par le dos de son coupe-vent. Elle sursauta et s'arrêta.
- Où crois-tu aller, comme ça ?
J'étais presque en colère de la voir me quitter ainsi. Je n'avais pas encore eu mon compte. Elle ne pouvait pas partir, pas encore.
- Ben...à la maison. Dit-elle, comme si c'était évident.
- J'ai promis de te ramener saine et sauve chez toi. Tu t'imagines que je vais te laisser conduire dans cet état.
Je savais pertinemment qu'elle n'allait pas apprécier ça – que je me sente personnellement concerné par sa faiblesse. Mais il fallait que je m'entraîne pour le voyage à Seattle, de toute manière. Voir si je pouvais supporter d'être seul avec elle dans un espace clos.
- Quel état ? S'indigna-t-elle. Et ma voiture ?
- Alice te la déposera après les cours.
Je la dirigeai vers ma voiture précautionneusement, comme je savais que le simple fait de faire un pas devant l'autre lui posait problème.
- Lâche-moi ! Cria-t-elle en trébuchant sur le trottoir, tombant presque.
Je voulu la rattraper, mais elle s'était déjà redressée. Je ne devrais pas être sans arrêt en quête de prétexte pour la toucher. Cela me fit repenser à l'attitude qu'avait eue Mme Cope à mon égard, mais je reportai cela à plus tard. J'avais autre chose en tête pour le moment.
Je la lâchai près de ma voiture, et elle s'affala contre la portière. J'aurais dû être encore plus prudent, faire plus attention à son manque d'équilibre...
- Quelle délicatesse !
- C'est ouvert.
Je m'installai au volant et démarrai la voiture. Elle se tenait droite comme un I, toujours à l'extérieur, alors que la pluie redoublait d'intensité et que je savais qu'elle n'aimait ni le froid, ni l'humidité. L'eau trempa ses cheveux épais, les assombrissant jusqu'à ce qu'ils semblent être noirs.
- Je suis parfaitement capable de rentrer chez moi toute seule !
Bien entendu. Le seul problème était que je n'étais pas capable de la laisser partir.
Je baissai la fenêtre et me penchai vers elle.
- Monte, Bella.
Ses yeux se rétrécirent, et je devinai qu'elle était en train de se demander si elle devait s'enfuir ou pas.
- Je te jure que je te traînerais là-bas par la tignasse s'il le faut. Lui promis-je.
L'expression chagrine qu'elle aborda lorsqu'elle se rendit compte que je pensais chaque mot que j'avais dit me donna envie de rire.
Le menton en l'air, elle ouvrit la portière et s'installa. Ses cheveux dégoulinèrent sur le cuir et ses bottes couinèrent.
- Tout cela est inutile. Dit-elle d'un ton glacial.
En vérité, j'étais sûr qu'elle était extrêmement embarrassée. Je montai le chauffage pour la mettre à l'aise et mis la musique en sourdine. Je me dirigeai vers la sortie, l'épiant tout de même du coin de l'œil. Sa lèvre inférieure dépassait d'un air opiniâtre. Je continuai à contempler sa bouche, essayant d'analyser l'effet que cela me faisait...repensant à la réaction de la secrétaire...
Soudain, elle regarda la stéréo et sourit, ses yeux écarquillés par l'étonnement.
- Clair de Lune ? Reconnu-t-elle.
Une fan de classiques ?
- Tu connais Debussy ?
- Pas bien, dit-elle. Ma mère est une fan de classique. Je ne reconnais que mes morceaux préférés.
- C'est également l'un de mes favoris.
Je m'abîmai dans la contemplation de la pluie, méditant. Alors ainsi j'avais au moins un point commun avec cette fille. J'avais commencé à penser que tout nous opposait.
Elle semblait plus détendue maintenant, regardant également la pluie tomber, les yeux perdus dans le vide. Je mis à profit ce moment d'inattention pour essayer de respirer à nouveau.
J'inspirai prudemment par le nez
Puissant
Je m'agrippai au volant. La pluie la faisait sentir encore meilleur. Je n'aurais jamais cru cela possible. Stupidement, je m'imaginais soudain le goût que cela pourrait avoir.
J'essayai de ravaler ma soif, d'ignorer la brûlure dans ma gorge, de penser à quelque chose d'autre.
- De quoi ta mère a l'air ? Demandai-je, en quête de distraction.
- Elle me ressemble beaucoup, en plus jolie. Dit-elle avec un sourire.
J'en doutais.
- Je tiens pas mal de Charlie. Continua-t-elle. Elle est plus extravertie que moi, plus courageuse.
J'en doutais également.
- Irresponsable, un peu excentrique. Sa cuisine est imprévisible. Je l'adore.
Il y avait de la mélancolie dans sa voix à présent ; son front se plissa.
Cette fois encore, on aurait cru entendre un parent plutôt qu'un enfant.
Je m'arrêtai devant chez elle, me rappelant un peu tard que je n'étais pas supposé savoir où elle habitait. Mais bon, avec un père plutôt connu dans les environ, ça n'allait sûrement pas la choquer...
- Quel âge as-tu, Bella ?
Elle devait être plus âgée que ses pairs. Peut-être avait-elle commencé l'école plus tard que les autres, où qu'elle avait redoublé...ce serait surprenant, cependant.
- Dix-sept ans.
- Tu fais plus.
Elle rit.
- Qu'est-ce qu'il y a de drôle ?
- Ma mère passe son temps à répéter que j'avais trente-cinq ans à la naissance et je suis un peu plus dans la force de l'âge chaque année, dit-elle en riant avant de pousser un soupir. Il faut bien que quelqu'un soit adulte.
Cela clarifiait pas mal de chose. Je pouvais voir maintenant...comment l'irresponsabilité de la mère expliquait l'extraordinaire maturité de Bella. Elle avait du mûrir très vite, pour devenir l'adulte de la maison. C'était pourquoi elle n'aimait pas qu'on s'occupe d'elle – elle avait l'impression que c'était son travail.
- Toi non plus, tu n'as pas beaucoup l'allure d'un lycéen. Dit-elle, me sortant de ma rêverie.
Je grimaçai. A chaque fois que je perçais un de ses secrets, elle perçait l'un des miens. Je changeai de sujet.
- Pourquoi ta mère a-t-elle épousé Phil ?
Elle hésita une minute avant de répondre.
- Elle...elle n'est pas très mûre, pour son âge. Je crois que Phil lui donne l'impression d'être plus jeune. Et puis, elle est folle de lui.
Elle secoua sa tête avec indulgence
- Tu approuves ? Demandai-je.
- Quelle importance ? Je veux qu'elle soit heureuse...et il est ce dont elle a envie.
L'altruisme de ce commentaire aurait dû me choquer, sauf qu'il correspondait parfaitement à tout ce que j'avais appris de sa personnalité.
- C'est très généreux...Je me demande...
- Oui ?
- Pousserait-elle la courtoisie à te rendre la pareille ? Quel que soit le garçon que tu choisisses ?
C'était une question stupide, et en plus j'avais été infichu de garder ma voix désinvolte en posant cette question. Qu'il était idiot ne serai-ce que de penser que quelqu'un pourrait m'accepter comme gendre. D'ailleurs, avant toute chose, il était stupide de penser que Bella puisse me choisir.
- Je...je crois. Balbutia-t-elle, en réaction au regard intense que je lui avais lancé.
Peur...ou attirance ?
- Mais c'est elle la mère, après tout. Dit-elle. C'est un peu différent.
- Alors, pas un type trop effrayant, j'imagine.
- Qu'entends-tu par là ? Plaisanta-t-elle. Des piercings sur toute la figure et une collection de tatouages ?
- C'est une des définitions possibles du mot.
Une définition plutôt réductrice, pour ma part.
- Quelle est la tienne ?
Elle posait toujours les mauvaises questions. Ou exactement les bonnes, peut-être. Celles auxquels je ne voulais pas répondre, en tout cas.
- Penses-tu que je pourrais passer pour effrayant ? Lui demandai-je, essayant tout de même de sourire un peu.
Elle médita un moment avant de dire d'une voix calme et sérieuse :
- Euh...oui. Si tu le voulais.
- As-tu peur de moi, là, maintenant ?
J'étais aussi sérieux qu'elle à présent.
Elle répondit trop vite.
- Non.
Je souris plus facilement. Je ne pensais pas qu'elle était entièrement honnête, mais je ne percevais pas là un réel mensonge. Elle n'avait pas assez peur de moi pour vouloir partir, au moins. Je me demandais soudain comment elle se sentirait si je lui disais qu'elle tenait une conversation avec un vampire. J'eu mentalement un mouvement de recul lorsque j'imaginai sa réaction.
- Et toi ? Vas-tu me parler de ta famille ? Elle doit être bien plus intéressante que la mienne.
Plus effrayante serait le mot juste.
- Que veux-tu savoir ? Demandai-je d'un air interdit.
- Les Cullen t'ont adopté ?
- Oui.
Elle hésita, puis dit d'une petite voix.
- Qu'est-il arrivé à tes parents ?
Ce n'était pas très difficile, je n'avais même pas besoin de lui mentir.
- Ils sont morts il y a des années.
- Désolée. Murmura-t-elle, craignant de m'avoir blessé.
Elle s'inquiétait pour moi.
- Je ne m'en souviens pas bien. Lui assurai-je. Carlisle et Esmée les ont remplacés depuis si longtemps.
- Et tu les aimes, en déduit-elle.
- Oui, répondis-je en souriant. Je doute qu'il y ait meilleures personnes au monde.
- Tu as beaucoup de chance.
- J'en suis conscient.
Oui, pour ce qui était de mes parents, ma chance ne pouvait être niée.
- Et ton frère et ta sœur ?
Si je la laissais demander plus de détails, j'allais devoir lui mentir. Je regardai l'horloge, constatant à contrecœur que mon temps avec elle était totalement écoulé.
- Mon frère et ma sœur, sans parler de Jasper et Rosalie, vont être furieux si je les fais languir sous l'averse.
- Désolée. Il faut que tu y ailles.
Pourtant, elle ne bougea pas. Elle non plus ne voulait pas que notre entretien se finisse déjà. Cela me plaisait vraiment, vraiment beaucoup trop.
- De ton côté, tu préfères sûrement récupérer ta camionnette avant que le Chef Swan rentre, histoire de ne pas avoir à mentionner le petit incident de tout à l'heure.
J'eu un grand sourire en me remémorant son expression embarrassée tandis que je la tenais dans mes bras.
- Je suis sûre qu'il est déjà au courant. Il n'y a pas de place pour les secrets, à Forks.
Elle avait dit le nom de la ville avec un dégoût prononcé.
Je ris. Pas de secrets, en effet.
- Amuse-toi bien à la mer
Je regardais l'averse, sachant qu'elle ne serait que de courte durée, mais espérant de toutes mes forces qu'elle reste.
- Joli temps pour bronzer. Ajoutai-je.
Bon, au moins Samedi il ferait beau. Ca lui ferait plaisir.
- Je te vois, demain ?
L'inquiétude dans sa voix me fit du bien.
- Non. Emmett et moi avons décidé de nous octroyer un week-end précoce.
J'étais en colère contre moi-même d'avoir eu cette idée. Je pouvais toujours changer mon emploi du temps...mais il n'y avait rien de tel que de chasser à outrance là bas, et ma famille se faisaient déjà assez de soucis comme ça à cause de mon attitude envers Bella, inutile de leur révéler combien j'étais devenu obnubilé par elle.
- Qu'est-ce que vous avez prévu ? Demanda-t-elle, déçue par ma révélation.
Bien.
- Une randonnée du côté de Goat Rocks, au sud du mont Rainier.
Emmett avait attendu avec impatience la saison des ours.
- Ah bon. Profites-en bien. Dit-elle à contrecœur.
Une fois n'est pas coutume, son manque d'enthousiasme me fit extrêmement plaisir.
Tandis que je la regardai, je commençai à me sentir au bord de l'agonie à la simple idée de devoir lui dire au revoir, même si j'allais la revoir dans quelques jours. Seulement, elle était si douce, si vulnérable. Il semblait imprudent de la quitter des yeux, alors qu'il pouvait lui arriver n'importe quoi, même si paradoxalement, je savais que ce qui pouvait lui arriver de pire résulterait de ma proximité.
- Accepterais-tu de me rendre un service, ce week-end ? Lui demandai-je très sérieusement.
Elle acquiesça, ses yeux agrandis et étonnés par l'intensité de ma voix.
Reste clair.
- Ne le prends pas mal, mais j'ai l'impression que tu es de ces gens qui attirent les accidents comme un aimant. Alors...tâche de ne pas tomber dans l'eau ni de te faire écraser par quoi que ce soit, d'accord ?
Je lui souris tristement, espérant de tout mon cœur qu'elle ne pouvait pas voir la tristesse dans mes yeux. Combien j'espérais qu'elle ne serait pas trop joyeuse en mon absence, quoi qu'il puisse lui arriver.
Cours, Bella, cours. Je t'aime beaucoup trop, et cela fera ton bonheur...ou le mien.
Elle fut offensée par ma plaisanterie. Elle me toisa.
- On verra ! Répliqua-t-elle, bondissant hors de ma voiture et claquant la portière aussi fort qu'elle le pouvait.
Exactement comme un petit chat furieux persuadé d'être un tigre.
J'enroulai mes doigts autour de la clé que je venais de piocher dans la poche de sa veste, et souris alors que je faisais demi-tour.
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