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Par Roxyraider83 le 6 Février 2009 à 11:59
Le Lycée
C'était le moment de la journée où je regrettais de ne pouvoir dormir.
Où était-ce purgatoire le bon mot? S'il y avait un quelconque moyen de racheter mes péchés, ceci devait être pris en compte, en quelques sortes. L'ennui n'était pas quelque chose à laquelle je m'habituais; chaque jour paraissait incroyablement plus monotone que le précédent.
Je suppose que c'était ma forme de sommeil, si le sommeil était défini comme un état inerte entre deux périodes actives.
Je fixai les fissures qui parcouraient le plâtre dans le coin éloigné de la cafétéria, imaginant des motifs qui n'existaient pas. C'était une manière de faire la sourde oreille aux voix qui formaient un brouhaha, comme le flot d'une rivière, dans ma tête.
J'ignorai plusieurs centaines de ces voix par pur ennui.
En ce qui concernait l'esprit humain, j'avais déjà tout entendu. Aujourd'hui, toutes les pensées étaient en proie à l'insignifiant drame d'un nouvel ajout au petit corps étudiant d'ici. Ça prit si peu de temps de leur prendre des informations. J'avais vu le nouveau visage répété pensée après pensée dans tous les angles. Juste une humaine ordinaire. L'excitation sur son arrivée était péniblement prévisible, comme faire miroiter un objet brillant à un enfant. La moitié des mâles se comportant comme des moutons s'imaginaient déjà amoureux d'elle, simplement parce qu'elle était quelque chose de nouveau à regarder. J'essayai encore plus de faire la sourde oreille.
Il y avait seulement quatre voix que je bloquais plus par courtoisie que par dégoût: ma famille, mes deux frères et mes deux sœurs, qui étaient tellement habitués au manque d'intimité en ma présence qu'ils y pensaient rarement. Je leur donnais l'intimité que je pouvais. J'essayais de ne pas écouter si je le pouvais.
J'essayais comme je pouvais, toutefois… je savais.
Rosalie pensait, comme d'habitude, à elle-même. Elle regardait son reflet dans les lunettes de quelqu'un, et elle réfléchissait à sa propre perfection. L'esprit de Rosalie était un bassin peu profond avec quelques surprises.
Emmett fulminait à propos d'un combat de catch qu'il avait perdu contre Jasper pendant la nuit. Cela prendrait toute sa patience limitée pour attendre la fin de la journée pour prendre une revanche. Je ne me suis jamais vraiment senti comme un intrus dans les pensées d'Emmett, parce qu'il ne pense jamais une chose qu'il ne dirait tout haut où qu'il ne ferait pas. Peut-être que je me sentais coupable de lire dans les esprits des autres parce que je savais qu'il y avait des choses qu'ils ne voulaient pas que je sache. Autant l'esprit de Rosalie était un bassin peu profond, celui d'Emmett était un lac sans ombre, l'eau claire comme du verre.
Et Jasper…souffrait. Je réprimai un soupir.
Edward. Alice m'appella dans sa tête, et elle avait immédiatement mon attention.
C'était exactement la même chose que d'entendre mon nom à voix haute. J'étais heureux que mon prénom ne fut plus à la mode, ça aurait été ennuyeux; à chaque fois que quelqu'un penserait à un Edward, ma tête tournerait automatiquement.
Ma tête ne bougea pas. Alice et moi étions bons pour ces conversations privées. Il était rare que quelqu'un nous surprenne. Je gardai mon regard fixé sur les lignes du plâtre.
Comment va-t-il? Me demanda-t-elle.
Je grimaçai, juste une petite altération au coin de ma bouche. Rien qui n'attirerait l'attention des autres. Je pourrais facilement grimacer d'ennui.
Les sonorités de la voix mentale d'Alice étaient à présent inquiètes, et je vis dans son esprit qu'elle regardait Jasper de côté. Y'a-t-il un danger? Elle commença à chercher dans le futur immédiat, survolant des visions de monotonie pour la source qui se cachait derrière ma grimace.
Je tournai lentement la tête vers la gauche, comme pour regarder les briques du mur, soupirai, puis vers la droite, revenant aux fissures du plafond. Seule Alice savait que je secouai la tête.
Elle se détendit. Fais-le moi savoir s'il va trop mal.
Je bougeai simplement mes yeux, vers le plafond, puis les rebaissai.
Merci de faire ça.
J'étais heureux de ne pas pouvoir répondre. Qu'aurais-je dit? 'ça me fait plaisir'? Ce n'était pas vraiment le cas. Je n'appréciai pas d'entendre Jasper lutter. Etait-ce que vraiment nécessaire de faire une telle expérience? Le chemin le plus sûr ne serait pas de simplement admettre qu'il ne pourra peut-être jamais être capable de manipuler sa soif comme nous autres pouvons le faire, et ne pas pousser ses limites? Pourquoi flirter avec le désastre?
Cela faisait deux semaines depuis notre dernier voyage de chasse. Ce n'était pas une période très difficile à passer pour le reste d'entre nous. Un peu incommode occasionnellement, si un humain marchait trop près, si le vent soufflait dans le mauvais sens. Mais les humains marchaient rarement trop près. Leur instinct leur disait ce que leurs esprits conscients ne comprendraient jamais: nous étions dangereux.
Jasper était très dangereux en ce moment précis.
A cet instant, une fille de petite taille s'arrêta au bout de la table la plus proche de nous, parlant à une amie. Elle secoua ses cheveux courts, blonds, passant ses doigts dedans. Les ventilateurs envoyèrent son odeur dans notre direction. J'étais habitué à ce que me faisait ressentir cette odeur, ma gorge sèche, le creux languissant dans mon estomac, mes muscles se tendant automatiquement, le flot excessive de salive dans ma bouche…
Tout ça était quasiment normal, habituellement facile à ignorer. C'était plus difficile juste en ce moment, les sentiments plus forts, doublés, alors que je suivais de près la réaction de Jasper. Deux soifs, à la place de la mienne seule.
Jasper laissait son imagination l'emporter. Il s'imaginait se levant de son siège près d'Alice et allant se tenir derrière la fille. Il pensait à se pencher, comme s'il allait murmurer à son oreille, et laisser ses lèvres toucher l'arche de sa gorge. Il imaginait comment le flot chaud de son pouls sous la belle peau lui ferait comme sensation sous sa bouche…
Je donnai un coup de pied dans sa chaise.
Il me regarda dans les yeux un instant, avant de baisser le regard. Je pouvais entendre la honte et la rébellion dans sa tête.
"Désolé" marmonna Jasper.
J'haussai les épaules.
"Tu n'allais rien faire," lui murmura Alice, apaisant son chagrin. "Je pouvais le voir."
Je combattis une grimace qui aurait fichu en l'air son mensonge. On faisait la paire, Alice et moi. Ce n'était pas simple, entendre des voix ou voir des visions du futur. Deux monstres parmi ceux qui sont déjà des monstres. Nous protégions les secrets de l'autre.
"Ça aide un peu si tu penses à eux en tant que personne," suggéra Alice, sa voix haute et musicale trop rapide pour que des oreilles humaines ne comprennent, s'il y en avait eu d'assez proches pour écouter. "Son nom est Whitney. Elle a une petite sœur, un bébé, qu'elle adore. Sa mère avait invité Esmée à cette garden party, tu te souviens?"
"Je sais qui elle est," dit sèchement Jasper. Il se détourna pour regarder par l'une des petites fenêtres qui étaient juste sous le rebord du toit tout le long de la pièce. Son ton mis fin à la conversation.
Il allait devoir aller chasser ce soir. C'était ridicule de prendre des risques comme ça, essayant de tester sa force, de construire son endurance. Jasper devrait simplement accepter ses limites et faire avec. Ses anciennes habitudes n'étaient pas favorables à notre choix de mode de vie, il ne devrait pas s'engager dans ce chemin-là.
Alice soupira silencieusement et se leva, prenant son plateau de nourriture, son accessoire, plus vraisemblablement, avec elle et le laissait seul. Elle savait quand il en avait assez de ses encouragements. Alors que Rosalie et Emmett étaient plus flagrants à propos de leur relation, c'étaient Alice et Jasper qui connaissaient l'humeur de l'autre autant que la leur. Comme s'ils pouvaient lire les pensées aussi –juste de l'un l'autre.
Edward Cullen.
Réflexe. Je me tournai à l'appel de mon nom, même s'il n'avait pas été dit, juste pensé.
Mon regard croisa un quart de seconde une paire de larges yeux humains d'une couleur chocolat sur un visage pâle, en forme de cœur. Je connaissais ce visage, bien que je ne l'avais pas vu moi-même jusque là. Il avait été le plus en vue dans tous les esprits humains aujourd'hui. La nouvelle élève, Isabella Swan. Fille du chef de police de la ville, amenée à vivre ici par une quelconque nouvelle situation de garde. Bella. Elle corrigeait tous ceux qui utilisaient son prénom en entier…
Je détournai le regard, ennuyé. Cela me prit une seconde pour réaliser que ce n'était pas elle qui avait pensé mon nom.
Bien sûr qu'elle craque déjà sur les Cullen, entendis-je la première voix continuer.
Maintenant je reconnaissais la 'voix'. Jessica Stanley, ça faisait un moment qu'elle ne m'avait pas ennuyé avec ses jacassements intérieurs. Quel soulagement ce fut quand elle dépassa son engouement mal placé. Il avait été pratiquement impossible d'échapper à ses constantes et ridicules rêveries. Je regrettai, dans ces moments-là, de ne pas pouvoir lui expliquer ce qui se passerait exactement si mes lèvres, et les dents qui se trouvaient derrière, s'étaient approchées d'elle. Ça aurait fait taire ces ennuyeux fantasmes. Imaginer sa réaction me fit presque sourire.
Ça lui fera une belle jambe, continua Jessica. Elle n'est même pas vraiment jolie. Je ne sais pas pourquoi Eric la regarde autant… ou Mike.
Elle tressaillit mentalement en pensant le dernier nom. Son nouvel engouement, le génériquement populaire Mike Newton, ne lui accordait aucun regard. Apparemment, il prêtait toute son attention à la nouvelle fille, comme l'enfant avec l'objet brillant. Ceci envenima les pensées de Jessica, bien qu'elle était, en apparence, cordiale avec la nouvelle venue alors qu'elle lui expliquait les histoires communes sur ma famille. La nouvelle élève avait dû lui poser des questions sur nous.
Tout le monde me regarde aussi, aujourd'hui, pensa Jessica avec suffisance. Si ce n'est pas de la chance que Bella ait deux cours avec moi… Je parie que Mike voudra me demander si elle est-
J'essayai de bloquer l'inepte jacassement avant que les futilités ne me rendent fou.
-"Jessica Stanley est en train d'étendre le linge sale du clan Cullen à la nouvelle fille Swan." Murmurai-je à Emmett comme distraction.
Il eut un petit rire. J'espère qu'elle le fait bien, pensa-t-il.
-"Elle manque assez d'imagination, en fait. Juste le minimum de scandale. Pas une once d'horreur. Je suis un peu déçu."
Et la nouvelle? Elle est déçue par les rumeurs aussi?
J'écoutai pour savoir ce que la nouvelle, Bella, pensait de l'histoire de Jessica.
Que voyait-elle quand elle regardait l'étrange famille à la peau pâle qui était universellement évitée?
C'était en quelque sorte ma responsabilité de connaître sa réaction. J'agissais en guetteur, à défaut de meilleur mot, pour ma famille. Pour les protéger. Si jamais quelqu'un devenait suspicieux, je pouvais leur donner une alerte précoce et un repli facile. Ça arrivait occasionnellement, un quelconque humain avec une imagination active nous verrait comme des personnages d'un livre ou d'un film. Habituellement ils ont faux, mais c'était mieux de déménager dans un nouvel endroit que de risquer un examen minutieux. Très, très rarement, quelqu'un le devinait. Nous ne leur donnions pas la chance de vérifier leur hypothèse. Nous disparaissions simplement, pour ne devenir qu'un effrayant souvenir…
Je n'entendais rien, bien que j'écoutais juste à côté le monologue frivole interne de Jessica continuer de s'écouler. C'était comme si personne n'était assis à côté d'elle. Comme c'est étrange, la fille aurait-elle bougé? Ça ne semblait pas probable, étant donné que Jessica continuait de jacasser. Je levai les yeux pour vérifier, me sentant désorienté. Vérifier ce que mon 'écoute supplémentaire' pouvait me dire, c'était quelque chose que je n'avais jamais eu à faire.
Encore une fois, mon regard se fixa sur les mêmes grands yeux marrons. Elle était assise exactement au même endroit qu'avant, et nous regardant, chose naturelle à faire, supposai-je, puisque Jessica la régalait des rumeurs locales sur les Cullen.
Penser à nous, aussi, serait naturel.
Mais je ne pouvais entendre un murmure.
Ses joues se teintèrent d'un rouge invitant, chaud, alors qu'elle baissait les yeux, loin de l'embarrassante gaffe de s'être fait prendre à fixer un inconnu. C'était une bonne chose que Jasper continuait de fixer la fenêtre. Je n'aimais pas imaginer ce que ferait cette concentration de sang sur son contrôle.
Les émotions sur son visage avaient été claires comme si elles avaient été écrites sur son front: la surprise, alors qu'elle absorbait inconsciemment les signes des subtiles différences entre son genre et le mien, la curiosité, alors qu'elle écoutait l'histoire de Jessica, et quelque chose de plus… fascination? Ce ne serait pas la première fois. Nous étions beaux à leurs yeux, nos proies intentionnelles. Puis, finalement, l'embarras quand je la surpris à me fixer.
Et pourtant, bien que ses pensées avaient été claires dans ses étranges yeux –étranges à cause de leur intensité; les yeux marrons paraissaient souvent fades dans l'obscurité- je ne pouvais entendre que le silence, là où elle était assise. Rien du tout.
Je sentis un moment de malaise.
Je n'avais jamais rencontré de pareil cas auparavant. Y avait-il quelque chose qui n'allait pas chez moi? Je me sentais exactement pareil que d'habitude. Inquiet, j'écoutais avec plus de force.
Toutes les voix que j'avais bloqué se mirent soudainement à hurler dans ma tête.
…me demande quelle musique elle aime…peut-être que je pourrais mentionner ce nouveau CD… pensait Mike Newton, deux tables plus loin, fixant Bella Swan.
Regardez-le la fixer. Ce n'est pas assez qu'il ait la moitié des filles de l'école l'attendant pour… Les pensées d'Eric Yorkie étaient sulfureuses, et tournaient aussi autour de la fille.
…tellement dégoûtant… On penserait qu'elle est célèbre…Même Edward Cullen la regarde… Lauren Mallory était si jalouse que son visage devrait être d'un rouge foncé. Et Jessica, affichant sa nouvelle meilleure amie. Quelle blague… Du vitriol continuait de couler des pensées de la fille.
…je parie que tout le monde lui a demandé ça. Mais j'aimerais lui parler. Je vais penser à une question plus originale… songea Ashley Dowling.
…peut-être qu'elle sera dans mon cours d'espagnol… espéra June Richardson.
…des tonnes à faire ce soir! Trigonométrie, et le devoir d'anglais. J'espère que ma mère… Angela Weber, une fille discrète, dont les pensées étaient exceptionnellement gentilles, était la seule à la table qui n'était pas obsédée par Bella.
Je pouvais les entendre tous, entre chaque chose insignifiante qu'ils pensaient. Mais rien du tout de la part de la nouvelle élève avec les yeux trompeusement communicatifs.
Et, bien sûr, je pouvais entendre ce que la fille disait quand elle parlait à Jessica. Je n'avais pas besoin de lire les pensées pour pouvoir entendre sa voix basse et claire à l'autre bout de la grande pièce.
-"Qui c'est, ce garçon aux cheveux blond roux?" l'entendis-je demander, me regardant du coin de l'œil, seulement pour détourner rapidement le regard quand elle vit que je la regardais toujours.
Si j'avais eu le temps d'espérer que le son de sa voix m'aiderait à mettre le doigt sur la sonorité de ses pensées, perdues quelque part où je ne pouvais y accéder, j'étais immédiatement déçu. Habituellement, les pensées des gens leur venaient dans un ton semblable à leur voix physiques. Mais cette voix calme, timide, était inconnue, pas une des centaines de pensées parcourant la pièce, j'étais sûr de ça. Complètement nouvelle.
Oh, bonne chance, idiote! Pensa Jessica avant de répondre à la question de la fille. "Edward. Il est superbe, mais inutile de perdre ton temps. Apparemment, aucune des filles d'ici n'est assez bien pour lui." Dit-elle.
Je tournai la tête pour cacher mon sourire. Jessica et ses camarades de classe n'avaient pas idée à quel point elles étaient chanceuses qu'aucune d'elles ne m'attirent particulièrement.
Sous la touche éphémère d'humour, je ressentis une étrange impulsion, que je ne compris pas clairement. Cela avait quelque chose à voir avec le côté vicieux des pensées de Jessica, dont la nouvelle était inconsciente… je ressentis le besoin urgent de me mettre entre elles, de protéger cette Bella Swan des sombres rouages de l'esprit de Jessica. Quelle étrange chose à ressentir. Essayant de dénicher les motivations derrière l'impulsion, j'examinai la nouvelle encore une fois.
Peut-être était-ce simplement un vieil instinct protecteur enfoui – le fort pour le faible. Cette fille avait l'air plus fragile que ses nouveaux camarades de classe. Sa peau était si translucide qu'il était difficile de croire que ça lui offrait une quelconque défense contre le monde extérieur. Je pouvais voir le pouls cadencé de son sang à travers ses veines sous la pâle et claire membrane… Mais je ne devrais pas me concentrer là-dessus. J'étais bon à cette vie que j'avais choisi, mais j'avais autant soif que Jasper et il n'y avait aucun intérêt à inviter la tentation.
Il y avait un faible pli entre ses sourcils dont elle semblait inconsciente.
C'était incroyablement frustrant! Je pouvais clairement voir que c'était un effort pour elle d'être assise là, à faire la conversation avec des étrangers, d'être le centre de l'attention. Je pouvais sentir sa timidité à la manière dont elle tenait ses épaules à l'air frêle, légèrement courbées, comme si elle s'attendait à une rebuffade à chaque instant. Et pourtant je ne pouvais que sentir, ne pouvais que voir, ne pouvais qu'imaginer. Il n'y avait rien de plus que du silence provenant de cette banale jeune fille. Je ne pouvais rien entendre. Pourquoi?
"Pouvons-nous?" murmura Rosalie, interrompant ma réflexion.
Je détournai les yeux de la fille avec un sentiment de soulagement. Je ne pouvais pas continuer à échouer et cela m'irritait. Et je ne voulais pas développer d'intérêt pour ses pensées cachées simplement parce qu'elles m'étaient cachées. Sans aucun doute, quand je déchiffrerai ses pensées – et je trouverai un moyen de le faire- elles seront aussi insignifiantes et triviales que les pensées d'un humain quelconque. Ça ne valait pas la peine de déployer des efforts pour les atteindre.
-"Alors, est-ce que la nouvelle a peur de nous?" demanda Emmett, attendant toujours ma réponse à sa question précédente.
J'haussai les épaules. Ce n'était pas assez intéressant de poursuivre pour plus d'informations. Je ne devrais d'ailleurs pas être intéressé.
Nous nous levâmes de table et marchâmes hors de la cafétéria.
Emmett, Rosalie et Jasper prétendaient être de dernière année; ils allèrent vers leurs cours. Je jouais un rôle plus jeune qu'eux. Je me dirigeai vers mon cours de première de biologie, préparant mon esprit à cet ennui. Il était certain que Mr Banner, un homme d'un intellect moyen, ne parviendrait à faire ressortir de son cours quoi que ce soit qui pourrait surprendre quelqu'un détenant deux diplômes de médecine.
Dans la salle de classe, je m'installai à ma place et laissai mes livres - des accessoires, encore une fois; ils ne contenaient rien que je ne sache déjà – sur la table. J'étais le seul élève à avoir une table pour lui seul. Les humains n'étaient pas assez intelligents pour savoir qu'ils avaient peur de moi, mais leur instinct de survie était suffisant pour les tenir éloignés.
La classe se remplissait lentement alors qu'ils revenaient de déjeuner. Je m'appuyai sur ma chaise et attendis que le temps passe. Encore une fois, je regrettais de ne pas pouvoir dormir.
Parce que j'avais pensé à elle, quand Angela Weber escorta la nouvelle à la porte, son nom attira mon attention.
Bella a l'air aussi timide que moi. Je parie que c'est très dur pour elle, aujourd'hui. J'aimerais pouvoir dire quelque chose... mais ça serait probablement stupide...
Oui ! Pensa Mike Newton, se tournant sur son siège pour regarder les filles entrer.
Encore, de l'endroit où Bella Swan était, rien. L'espace vide où devraient être ses pensées m'irritait et me déconcertait.
Elle se rapprocha, passant par l'allée à côté de moi pour aller au bureau du professeur. Pauvre fille; le siège à mes côtés était le seul disponible. Automatiquement, je dégageai ce qui allait être son bureau, rassemblant mes livres en une pile. Je doutais qu'elle se sente à l'aise, ici. Elle allait être dans cette classe pour un long semestre, au moins. Peut-être, cependant, en étant assis à côté d'elle, je serais capable de soutirer ses secrets... non pas que je n'ai jamais eu besoin d'une forte proximité avant... non pas que je trouverais quelque chose qui vaille le coup d'écouter...
Bella Swan entra dans le courant d'air chaud qui soufflait vers moi.
Son odeur me frappa comme un bélier. Il n'y avait pas d'image assez violente pour décrire la force de ce qu'il m'était arrivé à ce moment là.
A cet instant, j'étais loin de l'humain que j'avais été; aucune trace des lambeaux d'humanité dont j'étais parvenu à m'envelopper.
J'étais un prédateur. Elle était ma proie. Il n'y avait rien d'autre dans le monde que cette vérité.
Il n'y avait aucune salle pleine de témoins – ils étaient déjà des dommages collatéraux dans ma tête. Le mystère de ses pensées était oublié. Ses pensées ne signifiaient rien, puisqu'elle n'allait plus penser bien longtemps.
J'étais un vampire, et elle avait le sang le plus alléchant que je n'avais jamais senti en quatre-vingts ans.
Je n'avais pas imaginé qu'une telle odeur puisse exister. Si je l'avais su, je serais parti la chercher il y a longtemps. J'aurais ratissé la planète pour elle. Je pouvais imaginer le goût...
La soif brûlait ma gorge comme un feu. Ma bouche était désséchée et déshydratée. Le flot frais de venin ne faisait rien pour apaiser cette sensation. Mon estomac de la faim qui faisait écho à la soif. Mes muscles se tendaient.
Pas une seconde n'était passée. Elle prenait toujours le même pas qui l'avait amenée vers moi.
Alors que son pied touchait le sol, son regard glissa vers moi, un mouvement qu'elle voulait clairement furtif. Ses yeux rencontrèrent les miens, et je vis mon reflet dans le large miroir de son regard.
Le choc sur le visage que je vis là lui sauva la vie pendant un embarrassant moment.
Elle ne rendit pas la tâche plus facile. Quand elle vit l'expression de mon visage, le sang monta de nouveau à ses joues, donnant à sa peau la couleur la plus délicieuse que je n'avais jamais vu. L'odeur était un épais brouillard dans ma tête. Je pouvais à peine penser. Mes pensées se déchaînaient, résistant à tout contrôle, incohérentes.
Elle marchait plus vite à présent, comme si elle avait compris le besoin de s'échapper. Sa hâte la rendit maladroite, elle trébucha, tombant presque sur la fille assise en face de moi. Vulnérable, faible. Même encore plus que d'habitude chez un humain.
J'essayais de me concentrer sur le visage que j'avais vu dans ses yeux, un visage que je reconnus avec révulsion. Le visage du monstre en moi, le visage que j'avais repoussé avec des décennies d'effort et une intransigeante discipline. Comme elle revenait si facilement à la surface maintenant !
L'odeur tourbillonait encore autour de moi, dispersant mes pensées et me propulsant presque de mon siège.
Non.
Ma main agrippa le bord de la table alors que j'essayais de rester sur ma chaise. Le bois n'était pas fait pour cette tâche. Ma main s'écrasa sur le dessous de la table et revint avec la paume remplie d'échardes, laissant la forme de mes doigts dans le bois restant.
Détruire les preuves. C'était une règle fondamentale. Je pulvérisais rapidement les bords des traces avec le bout de mes doigts, ne laissant rien d'autre qu'un trou déchiqueté et une pile de frisons sur le sol, que je dispersais avec mon pied.
Détruire les preuves. Dommage collatéral...
Je savais ce qu'il devait se passer maintenant. La fille viendrait s'assoir à côté de moi, et je la tuerais.
Les innocents badauds de cette classe, dix-huit autres enfants et un homme, ne pourraient sortir de cette pièce, ayant vu ce qu'ils vont bientôt voir.
Je tressailli à la pensée de ce que je devais faire. Même dans mes pires moments, je n'avais jamais commis ce genre d'atrocités. Je n'avais jamais tué d'innocents, pas un en plus de huit décennies. Et à présent je planifiais d'en exécuter vingt d'un coup.
Le visage du monstre dans le miroir se moqua de moi.
Même si une part de moi s'éloignait du monstre, une autre plannifiait tout.
Si je tuais la fille d'abord, j'avais seulement quinze ou vingt secondes avec elle avant que les humains dans la salle ne réagissent. Peut-être un peu plus longtemps, s'ils ne réalisaient pas tout de suite ce que je faisais. Elle n'aurait pas le temps de crier ou de ressentir la douleur; je ne la tuerais pas cruellement. C'était le mieux que je pouvais offrir à cette étrangère au sang horriblement désirable.
Mais après je devrais les empêcher de s'enfuir. Je n'aurais pas à m'inquiéter des fenêtres, trop hautes et trop petites pour permettre une échappée de qui que ce soit. Simplement la porte – je n'aurais qu'à la bloquer et ils seraient piégés.
Ce serait plus lent et plus difficile, d'essayer de tous les avoir alors qu'ils paniqueraient et se bousculeraient, dans le chaos complet. Pas impossible, mais il y aurait beaucoup plus de bruit. Du temps pour beaucoup de cris. Quelqu'un entendrait... et je serais forcé de tuer encore plus d'innocents en cette heure noire.
Et son sang s'écoulerait, pendant que je tuerais les autres.
L'odeur me punissait, ma gorge s'asséchant douloureusement...
Les témoins d'abord, donc.
Je dressais le schéma dans ma tête. J'étais au milieu de la pièce, au dernier rang. Je m'occuperais de ma droite d'abord. Je pouvais briser quatre ou cinq de leurs cous par seconde, estimais-je. Ce ne serait pas bruyant. La droite serait le côté chanceux, ils ne me verraient pas venir. Allant vers le devant puis remontant sur la gauche, ça me prendrait, au plus, cinq secondes pour en finir avec chaque vie dans cette classe.
Assez long pour que Bella Swan voit, brièvement, ce qui allait lui arriver. Assez long pour qu'elle ressente de la peur. Assez long, peut-être, si le choc ne la figeait pas sur place, pour qu'elle en arrive à crier. Un simple cri doux qui n'attirerait personne.
Je pris une grande inspiration, et l'odeur était un feu qui se propulsait dans mes veines sèches, brûlant ma poitrine pour consumer chaque meilleure pulsion dont j'étais capable.
Elle tournait juste à présent. Dans quelques secondes, elle s'assoirait à quelques centimètres de moi.
Le monstre dans ma tête sourit d'anticipation.
Quelqu'un claqua un dossier à ma droite. Je ne levai pas les yeux pour voir lequel des humains condamnés il s'agissait. Mais le mouvement m'envoya une vague d'air ordinaire, sans odeur, soufflant sur mon visage.
Pendant une courte seconde, je fus capable de penser clairement. En cette précieuse seconde, je vis deux visages dans ma tête, côte à côte.
L'un était le mien, ou plutôt ce qu'il avait été: le monstre aux yeux rouges qui avait tué tant de gens que j'avais arrêté de compter. Des meurtres justifiés, rationalisés. Un tueur de tueurs, un tueur d'autres monstres, moins puissants. C'était un complexe de dieu, je me rendais compte de ça – décider qui méritait la peine de mort. C'était un compromis avec moi-même. Je m'étais nourri de sang humain, mais seulement par la plus figurée des définitions. Mes victimes étaient, dans leurs sombres passés variés, à peine plus humain que je ne l'étais.
L'autre visage était celui de Carlisle.
Il n'y avait aucune ressemblance entre les deux visages. C'était le jour et la nuit.
Il n'y avait aucune raison qu'il y ai une ressemblance. Carlisle n'était pas mon père dans le sens biologique du terme. Nous ne partagions aucun trait commun. La similarité de notre teint était un produit de ce que nous étions; tous les vampires avaient la même peau pâle. La ressemblance de la couleur de nos yeux était autre chose – la réfléxion d'un choix mutuel.
Et, alors qu'il n'y avait aucune base pour une ressemblance, j'imaginais que mon visage avait commencé à refléter le sien, à un certain point, dans les soixante-dix dernières années où j'avais adopté son choix et suivit ses pas. Mes traits n'avaient pas changé, mais il me semblait qu'une sorte de sagesse avait marqué mon expression, qu'un peu de sa compassion pouvait être calquée dans la forme de ma bouche, et des soupçons de sa patience étaient évidents sur mon front.
Toutes ces minuscules améliorations furent perdues sur le visage du monstre. Dans un court moment, il ne resterait plus rien en moi qui refléterait les années que j'avais passées avec mon créateur, mon mentor, mon père dans tous les sens qui comptaient. Mes yeux brilleraient de rouge comme ceux du diable, toute similitude serait perdue pour toujours.
Dans ma tête, les yeux doux de Carlisle ne me jugeaient pas. Je savais qu'il me pardonnerait pour cet acte horrible que j'aurais fait. Parce qu'il m'aimait. Parce qu'il pensait que j'étais meilleur que ça. Et il continuerait de m'aimer, même si je lui prouvais à présent qu'il avait tort.
Bella Swan s'assit sur la chaise à côté de moi, ses mouvements raides et maladroits – la peur ? - et l'odeur de son sang s'épanouissant comme un nuage inéxorable autour de moi.
J'allais prouver à mon père qu'il avait tort à propos de moi. Le malheur de ce fait faisait presque aussi mal que le feu dans ma gorge.
Je m'éloignai d'elle par révulsion – révulsé par le montre désireux de l'avoir.
Pourquoi avait-elle dû venir ici ? Pourquoi devait-elle exister ? Pourquoi devait-elle ruiner la paix que j'avais dans ma vie non-humaine ? Pourquoi cette aggravante humaine était-elle même née ? Elle allait me détruire.
Je tournai mon visage loin d'elle, alors qu'une haine violente, irraisonnable m'envahit soudainement.
Qui était cette créature ? Pourquoi moi, pourquoi maintenant ? Pourquoi devrais-je tout perdre juste parce qu'il s'avérait qu'elle avait choisi cette improbable ville pour apparaître ?
Pourquoi était-elle venue ici !
Je ne voulais pas être le monstre ! Je ne voulais pas tuer cette classe remplie d'innocents enfants ! Je ne voulais pas perdre tout ce que j'avais acquis en une vie de sacrifice et de déni !
Je ne le ferai pas. Elle ne me le fera pas faire.
C'était l'odeur le problème, l'abominable, l'attirante odeur de son sang. S'il y avait un autre moyen de résister... si seulement un autre courant d'air frais pouvait aérer mon esprit.
Bella secoua ses longs cheveux, épais, couleur acajou, dans ma direction.
Etait-elle folle ? C'était comme si elle encourageait le monstre ! Le taquinant.
Il n'y avait aucune brise amicale pour éloigner de moi cette odeur à présent. Tout serait bientôt perdu.
Non, il n'y avait aucune brise secourable. Mais je n'étais pas obligé de respirer.
Je stoppai le flot d'air arrivant dans mes poumons; le soulagement était instantané, mais incomplet. J'avais toujours le souvenir de l'odeur dans ma tête, son goût sur ma langue. Je ne serai pas capable de résister même comme ça pendant longtemps. Mais peut-être pourrais-je résister pendant une heure. Une heure. Juste assez pour sortir de cette salle pleine de victimes, victimes qui n'avaient peut-être pas besoin d'être victimes. Si je pouvais résister pendant une petite heure.
C'était une sensation inconfortable, ne pas respirer. Mon corps n'avait pas besoin d'oxygène, mais ça allait contre mes instincts. Je me reposai sur l'odorat plus que sur mes autres sens en temps de stress. Ça menait le chemin pendant la chasse, c'était le premier avertissement en cas de danger. Je ne rencontrais pas souvent quelque chose de plus dangereux que je ne l'étais, mais l'instinct de survie était juste aussi fort chez les miens que ça l'était chez l'humain moyen.
Inconfortable, mais faisable. Plus supportable que de respirer son odeur et ne pas planter mes dents dans cette peau, fine, biafane, vers le sang chaud, battant-
Une heure ! Juste une heure. Je ne devais pas penser à l'odeur, au goût.
La fille silencieuse gardait ses cheveux entre nous, se penchant tant qu'ils s'éparpillaient sur son cahier. Je ne pouvais pas voir son visage, pour essayer de lire les émotions dans ses yeux clairs et profonds. Etait-ce pour cela qu'elle gardait ses cheveux entre nous ? Pour me cacher ses yeux ? Par peur ? Timidité ? Pour garder ses secrets loin de moi ?
Mon ancienne irritation à être contrecarré par ses pensées muettes était faible et pâle en comparaison du besoin – et de la haine – qui me possédait à présent. Je haïssais cette frêle femme-enfant à côté de moi, la haïssais avec toute la ferveur avec laquelle je me raccrochais à mon ancien moi, mon amour pour ma famille, mes rêves d'être meilleur que je ne l'étais... Je la haïssais, haïssais comment elle me faisait sentir – ça aidait un peu. Oui, l'irritation que j'avais ressenti avant était faible, mais ça aidait aussi un peu. Je m'accrochais à n'importe quelle émotion qui me distrayait et m'empêchait d'imaginer quel goût elle aurait...
Haine et irritation. Impatience. L'heure ne passerait-elle jamais ?
Et quand l'heure se terminerait... Alors elle sortirait de cette pièce. Et que ferai-je ?
Je pourrais me présenter. Bonjour, mon nom est Edward Cullen. Puis-je te conduire à ton prochain cours ?
Elle dirait oui. Ce serait la seule chose polie à faire. Même en me craignant déjà, comme je le suspectais, elle suivrait les conventions et marcherait à côté de moi. Il serait facile de la conduire dans la mauvaise direction. Un bout de la forêt s'étendait comme un doigt pour toucher le fond du parking. Je pourrais lui dire que j'avais oublié un livre dans ma voiture...
Quelqu'un remarquerait-il que je fus la dernière personne avec qui elle avait été vue ? Il pleuvait, comme d'habitude; deux imperméables sombres allant dans la mauvaise direction ne susciteraient pas beaucoup d'intérêt.
Sauf que je n'étais pas le seul étudiant qui s'intéressait à elle aujourd'hui – même si personne n'était si férocement intéressé que je ne l'étais. Mike Newton, en particulier, était conscient de chaque mouvement qu'elle faisait alors qu'elle remuait sur sa chaise– elle était mal à l'aise d'être si proche de moi, comme tout le monde l'était, comme je m'y attendais avant que son odeur n'ai détruit toute inquiétude charitable. Mike Newton le remarquerait si elle quittait la salle avec moi.
Si je pouvais tenir une heure, pouvais-je tenir deux ?
Je tressaillis à la douleur de la brûlure.
Elle rentrerait chez elle, dans une maison vide. Le Chef Swan travaillait la journée entière. Je connaissais sa maison, comme je connaissais chaque maison de cette minuscule ville. Sa maison était nichée contre des bois épais, sans voisinage proche. Même si elle avait le temps de crier, ce qu'elle n'aura pas, il n'y aurait personne pour entendre.
Ce serait la manière responsable de s'occuper de ça. J'avais parcouru sept décennies sans sang humain. Si je retenais mon souffle, je pouvais tenir deux heures. Et quand je l'aurais seule, il n'y aurait aucune chance que quelqu'un d'autre soit blessé. Et aucune raison de précipiter l'expérience, acquiesça le monstre dans ma tête.
Il était sophistique de penser qu'en sauvant les dix-neuf humains de cette pièce avec effort et patience, je serais moins un monstre quand je tuerai cette jeune fille innocente.
Bien que je le haïssais, je savais que ma haine était injuste. Je savais que ce que haïssais vraiment était moi-même. Et je nous haïrai tellement plus tous les deux quand elle sera morte.
Je passai l'heure ainsi – imaginant les meilleurs moyens de la tuer. J'essayais d'éviter d'imaginer l'acte en lui-même. Ça pourrait être trop pour moi; je pourrais perdre cette bataille et finir par tuer tous ceux qui étaient en vue. Alors je planifiais la stratégie, rien de plus. Cela me fit passer l'heure.
Une fois, vers la toute fin, elle me jeta un coup d'oeil à travers le mur fluide de ses cheveux. Je pouvais sentir cette haine injustifiée brûlant en moi alors que je croisais son regard – j'en vis le reflet dans ses yeux effrayés. Du sang teinta ses joues avant qu'elle ne puisse à nouveau se cacher derrière ses cheveux, et j'étais presque à bout.
Mais la sonnerie retentit. Sauvé par le gong – quel cliché. Nous étions tous les deux sauvés. Elle, sauvée de la mort. Moi, sauvé juste pour un court moment d'être la créature cauchemardesque que je craignais et exécrais.
Je ne pouvais pas marcher aussi lentement que je le devrais en sortant de la salle. Si quelqu'un m'avait regardé, il aurait pu suspecté qu'il y avait quelque chose d'anormal dans ma façon de bouger. Personne ne me prêtait attention. Toutes les pensées humaines tournaient autour de la fille qui était condamnée à mourir dans un peu plus d'une heure.
Je me cachai dans ma voiture.
Je n'aimais pas l'idée de me cacher. Ça semblait si lâche. Mais c'était incontestablement le cas en ce moment.
Il ne me restait pas assez de discipline pour rester près d'humains. Concentrer tous mes efforts sur le fait de ne tuer l'un d'entre eux ne me laissait aucune ressource pour résister aux autres. Quel gâchis ce serait. Si je devais m'abandonner au monstre, je devrais aussi bien faire valoir la défaite.
Je mis un CD de musique qui me calmait, mais ça ne m'aidait pas vraiment maintenant. Non, ce qui aidait le plus était l'air frais, humide qui entrait avec la pluie fine à travers mes fenêtres ouvertes. Bien que je puisse me rappeler de l'odeur du sang de Bella Swan avec une clarté parfaite, inhaler l'air pur était comme laver l'intérieur de mon corps de cette infection.
J'étais raisonnable à nouveau. Je pouvais penser. Et je pouvais me battre à nouveau. Je pouvais me battre contre ce que je ne voulais pas être.
Je n'avais pas à aller chez elle. Je n'avais pas à la tuer. De toute évidence, j'étais une créature pensante, rationelle, et j'avais un choix. Il y avait toujours un choix.
Je n'avais pas ressenti ça dans cette classe... mais j'étais loin d'elle à présent. Peut-être que si je l'évitais très, très précautionneusement, ma vie n'avait pas besoin de changer. Les choses étaient ordonnées d'une manière que j'aimais. Pourquoi devrais-je laisser un délicieux individu ruiner cela ?
Je n'avais pas à décevoir mon père. Je n'avais pas à causer à ma mère du stress, de l'inquiétude... de la douleur. Oui, ça blesserait ma mère adoptive aussi. Et Esmée était si gentille, si tendre et si douce. Causer de la douleur à quelqu'un comme Esmée était inexcusable.
Comme c'était ironique que je veuille protéger cette humaine de la menace dérisoire, sans dents, des pensées méprisantes de Jessica Stanley. J'étais la dernière personne qui se tiendrait jamais comme un protecteur de Bella Swan. Elle n'aurait jamais besoin de plus de protection qu'elle n'en avait besoin de ma part.
Où était Alice ? Me demandai-je soudain. Ne m'avait-elle pas vu tuer la fille Swan d'une multitude de façons ? Pouquoi n'était-elle pas venue aider – pour m'arrêter ou m'aider à effacer les preuves, peu importe ? Etait-elle si absorbée par le fait de guetter des problèmes avec Jasper qu'elle aurait manqué cette possibilité plus horrible ? Etais-je plus fort que je ne le pensais ? N'aurais-je réellement rien fait à la fille ?
Non. Je savais que c'était faux. Alice devait être très concentrée sur Jasper.
Je cherchais dans la direction où je savais qu'elle se trouvait, dans le petit bâtiment utilisé pour les cours d'anglais. Ça ne me prit pas longtemps pour localiser sa 'voix' familière. Et j'avais raison. La moindre de ses pensées était tournée vers Jasper, scrutant ses choix à chaque minute.
J'aurais voulu lui demander conseil, mais en même temps, j'étais heureux qu'elle ne sache pas ce dont j'étais capable. Qu'elle soit inconsciente du massacre que j'avais envisagé l'heure passée.
Je ressentis une nouvelle brûlure au travers de mon corps – la brûlure de la honte. Je ne voulais qu'aucun d'eux ne le sache.
Si je pouvais éviter Bella Swan, si j'avais réussi à ne pas la tuer – alors même que je pensais ça, le monstre grinça des dents de frustration – alors personne n'avait à le savoir. Si je pouvais me tenir éloigné de son odeur...
Il n'y avait pas de raison que je n'essaye pas, au moins. Faire le bon choix. Essayer d'être ce que Carlisle pensait que j'étais.
La dernière heure de cours était presque terminée. Je décidai de mettre mon nouveau plan à exécution aussitôt. Il valait mieux ça que de rester assis ici sur le parking, où elle pourrait passer devant moi et détruire ma tentative. A nouveau, je ressentais l'injuste haine pour la fille. Je détestais qu'elle ait cet inconscient pouvoir sur moi. Qu'elle pouvait me faire être quelque chose que je haïssais.
Je traversais rapidement – un peu trop rapidement, mais il n'y avait aucun témoin – le minuscule campus jusqu'aux bureaux. Il n'y avait aucune raison que Bella Swan croise mon chemin. Je l'éviterai comme le fléau qu'elle était.
Le bureau était vide excepté la secrétaire, celle que je voulais voir.
Elle ne remarqua pas mon entrée silencieuse.
« Mrs. Cope ? »
La femme aux cheveux artificiellement rouges leva le regard, et ses yeux s'écarquillèrent. Ça les prenait toujours par surprise, ces petites marques qu'ils ne comprenaient pas, peu importe combien de fois ils avaient vu l'un d'entre nous avant.
« Oh ! » laissa-t-elle échapper, un peu nerveuse. Elle lissa son chemisier. Idiote, pensa-t-elle pour elle-même. Il est presque assez jeune pour être mon fils. Trop jeune pour penser à lui comme ça... « Bonjour, Edward. Que puis-je faire pour toi ? » Ses cils battaient derrière ses épaisses lunettes.
Embarassant. Mais je savais comment être charmant si je voulais l'être. C'était facile, puisque je pouvais savoir instantanément comment un ton ou un geste était pris.
Je me penchais en avant, rencontrant son regard comme si je plongeais profondément dans ses petits yeux marrons, sans profondeur. Ses pensées étaient déjà agitées. Ça devrait être simple.
« Je me demandais si vous pouviez m'aider avec mon emploi du temps. » dis-je avec la voix douce que j'utilisais pour ne pas effrayer les humains.
J'entendis le tempo de son coeur s'accélérer.
« Bien sûr Edward. Comment puis-je t'aider ? » Trop jeune, trop jeune, psalmodiait-elle intérieurement. C'était faux, bien sûr. J'étais plus vieux que son grand-père. Mais d'après mon permis de conduire, elle avait raison.
« Je me demandais si je pouvais échanger mon cours de biologie contre un cours de sciences de terminale ? La physique, peut-être ? »
« Il y a un problème avec Mr. Banner, Edward ? »
« Pas du tout, c'est simplement que j'ai déjà étudié cette matière... »
« Dans cette école avancée où vous étiez tous en Alaska, bien. » Ses lèvres fines se plissèrent alors qu'elle prenait ceci en considération. Ils devraient tous être à l'université. J'ai entendu les professeurs se plaindre. Des notes parfaites, jamais une hésitation pour une réponse, jamais une mauvais réponse à un contrôle – comme s'ils avaient trouvé un moyen de tricher dans toutes les matières. Mr. Varner préfère croire que quelqu'un triche plutôt que de penser qu'un étudiant est plus intelligent que lui... Je parie que leur mère leur donne des cours... « En fait, Edward, le cours de physique est plutôt rempli, en ce moment. Mr. Banner déteste avoir plus de vingt-cinq élèves dans une classe- »
« Je ne poserai aucun problème. »
Bien sûr que non. Pas un parfait Cullen. « Je sais ça, Edward. Mais il n'y a pas assez de sièges... »
« Puis-je laisser tomber le cours, alors ? Je pourrais utiliser cette période pour étudier indépendamment. »
« Laisser tomber la biologie ? » Elle resta bouche bée. C'est fou. C'est si dur que ça d'assister à un cours que l'on connait déjà ? Il doit y avoir un problème avec Mr. Banner. Je me demande si je devrais en parler à Bob ? « Tu n'auras pas assez de matières pour obtenir ton diplôme. »
« Je me rattraperai l'année prochaine. »
« Peut-être que tu devrais parler à tes parents à propos de ça. »
La porte s'ouvrit derrière moi, mais qui que ce fut, il ne pensait pas à moi, donc j'ignorai cette arrivée et me concentrai sur Mrs. Cope. Je me penchai un peu plus, et ouvrit mes yeux un peu plus grand. Cela marcherait mieux s'ils étaient dorés à la place de noir. La noirceur effrayait les gens, comme il se devait.
« S'il vous plait, Mrs. Cope ? » Je fis ma voix aussi douce et convaincante que je le pouvais – et elle pouvait être considérablement convaincante. « N'y-a-t'il aucune autre section avec laquelle je pourrais échanger ? Je suis sûr qu'il doit y avoir un emplacement quelque part. Une sixième heure de biologie ne peut pas être la seule option... »
Je lui souris, attentif à ne pas lui montrer trop largement mes dents pour ne pas l'effrayer, laissant l'expression adoucir mon visage.
Son coeur battit plus vite. Trop jeune, se rappela-t-elle désespérement. « Eh bien, peut-être que je peux parler à Bob – je veux dire, Mr. Banner. Je pourrais voir si- »
Une seconde fut tout ce qu'il fallut pour tout changer : l'atmosphère dans la pièce, ma mission ici, la raison pour laquelle j'étais penché vers cette femme aux cheveux rouges... Ce qui avait été pour un but précis avant était maintenant pour un autre.
Une seconde fut tout ce qu'il fallut pour Samantha Wells pour ouvrir la porte, placer un billet de retard signé dans un casier près de la porte, et sortir à nouveau, pressée d'être loin de l'école. Une seconde fut tout ce qu'il fallut pour le soudain coup de vent qui passa à travers la porte pour me percuter. Une seconde fut tout ce qu'il fallut pour moi pour réaliser pourquoi cette première personne à avoir franchi la porte ne m'avait pas interrompu avec ses pensées.
Je me tournai, bien que je n'en avais pas besoin pour m'en assurer. Je me tournai lentement, me battant pour contrôler les muscles qui se rebellaient contre moi.
Bella Swan était debout, son dos appuyé contre le mur à côté de la porte, un bout de papier serré dans sa main. Ses yeux s'écarquillèrent encore plus que d'habitude alors qu'elle rencontrait mon regard féroce, inhumain.
L'odeur de son sang imbibait chaque particule d'air dans la minuscule pièce chaude. Ma gorge s'enflamma.
Le monstre me regardait à travers le miroir de ses yeux encore une fois, un masque diabolique.
Ma main hésita, au-dessus du comptoir. Je n'aurais pas à me retourner pour l'atteindre et cogner la tête de Mrs. Cope contre son bureau avec assez de force pour la tuer. Deux vies au lieu de vingt. Un marché.
Le monstre attendait que je le fasse, anxieux, affamé.
Mais il y avait toujours un choix – il devait y avoir toujours un choix.
J'arrêtai le mouvement de mes poumons, et fixai le visage de Carlisle devant mes yeux. Je me retournai pour faire face à Mrs. Cope, et entendit sa surprise intérieure quant au changement de mon expression. Elle se recula, mais sa peur ne prit pas la forme de mots cohérents.
Utilisant tout le contrôle que j'avais acquis pendant mes décades de sacrifice de soi, je pris ma voix douce et égale. Il y avait juste assez d'air dans mes poumons pour parler une fois de plus, précipitant les mots.
« Tant pis, alors. Je vois bien que c'est impossible. Merci beaucoup pour votre aide. »
Je me tournai et sortis de la pièce, essayant de ne pas sentir la chaleur sanguine du corps de la fille alors que je passais à seulement quelques centimètres à côté.
Je ne m'arrêtai qu'une fois dans ma voiture, bougeant beaucoup trop vite tout le long du chemin. La plupart des humains étaient déjà partis, alors il n'y avait pas beaucoup de témoins. J'entendis un deuxième année, D.J. Garrett, un avertissement, puis l'ignorance...
D'où il sort, Cullen – c'est comme s'il venait d'apparaître... Et voilà, encore mon imagination. Maman dit toujours...
Quand je me glissai dans ma Volvo, les autres étaient déjà là. J'essayai de contrôler ma respiration, mais je cherchais l'air frais comme si je suffoquais.
« Edward ? » demanda Alice, alarmée.
Je secouai simplement la tête.
« Bon sang qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? » demanda Emmett, distrait, pour le moment, par le fait que Jasper n'était pas d'humeur pour une nouvelle partie.
Au lieu de répondre, je reculai la voiture. Je devais sortir de ce parking avant que Bella Swan ne puisse me suivre ici aussi. Mon propre démon, qui me hantait... Je tournai la voiture et accélérai. J'atteignis les soixante-cinq kilomètres à l'heure avant d'être sur la route. Une fois sur la route, j'atteignis les cent dix avant de prendre le virage.
Sans regarder, je savais qu'Emmett, Rosalie et Jasper s'étaient tous tournés pour regarder Alice. Elle haussa les épaules. Elle ne pouvait pas voir ce qu'il s'était passé, seulement ce qui arrivait.
Elle regardait vers moi à présent. Nous fûmes tous deux témoins de ce qu'elle vit dans sa tête, et nous fûmes tous deux surpris.
« Tu t'en vas ? » murmura-t-elle.
Les autres me fixaient à présent.
« Vraiment ? » sifflai-je entre mes dents.
Elle le vit alors, alors que ma résolution s'évanouissait et un autre choix engagea mon futur dans une direction plus sombre.
« Oh. »
Bella Swan, morte. Mes yeux, rouges, brillants de sang frais. L'enquête qui suivrait ensuite. Le temps que nous attendrions prudemment avant que nous puissions partir et recommencer en toute sécurité...
« Oh. » dit-elle à nouveau. L'image se fit plus spécifique. Je vis l'intérieur de la maison du Chef Swan pour la première fois, je vis Bella dans une petite cuisine aux placards jaunes, son dos tourné vers moi alors que je sortais de l'ombre... laissant l'odeur me guider vers elle...
« Arrête ! » grognai-je, incapable de supporter plus.
« Désolée. » murmura-t-elle, les yeux écarquillés.
Le monstre se réjouissait.
Et la vision dans sa tête changea à nouveau. Une autoroute vide, la nuit, les arbres sur le côté enveloppés de neige, apparaissant rapidement à près de trois cent vingt kilomètres heure.
« Tu vas me manquer. » dit-elle. « Peu importe si tu pars pour une courte durée. »
Emmett et Rosalie échangèrent un regard inquiet.
Nous étions presque au virage qui précédait la longue route qui menait chez nous.
« Laisse nous ici. » dit Alice. « Tu devrais le dire toi-même à Carlisle. »
J'acquiesçai, et la voiture s'arrêta soudainement dans un crissement.
Emmett, Rosalie et Jasper descendirent en silence; ils feraient tout expliquer à Alice une fois que je serais parti. Alice toucha mon épaule.
« Tu vas faire le bon choix. » mumura-t-elle. Pas une vision cette fois – un ordre. « Elle est la seule famille de Charlie Swan. Ça le tuerait aussi. »
« Oui. » dis-je, n'étant d'accord que sur la dernière partie.
Elle se glissa à l'extérieur pour rejoindre les autres, ses sourcils froncés d'anxiété. Ils se fondirent dans les bois, hors de vue avant que je ne puisse faire demi-tour.
J'accélérai vers la ville, et je savais que les visions dans la tête d'Alice allaient passer du sombre au clair comme une lumière stroboscopique. Alors que je filai vers Forks à cent quarante, je n'étais pas sûr d'où j'allais. Dire au revoir à mon père ? Ou étreindre le monstre à l'intérieur de moi ? La route filait sous mes pneus.
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