• Invitations

    Le lycée.

    Plus question d'appeler cela le purgatoire, à présent c'était carrément l'enfer. Feu et tourments...oui, j'avais droit aux deux.

    Je faisais exactement tout ce que j'étais supposé faire. J'avais mis tous les points sur tous les « i ». Plus personne ne pouvait s'aventurer à dire que je manquais à mon devoir désormais.

    Pour faire plaisir à Esmée et pour protéger les autres, je restai à Forks. Je replongeai dans ma vieille routine. Je ne chassais pas plus que les autres. Chaque jour, je patientais sagement au lycée et faisais semblant d'être humain. Chaque jour, j'étais à l'affût de la moindre nouveauté à propos des Cullen dans les esprits des élèves – et il n'y avait jamais rien de nouveau. La fille n'avait fait part de ses soupçons à personne. Elle se contentait de répéter inlassablement la même histoire – j'étais juste à côté d'elle et je l'ai poussé de la trajectoire du van - jusqu'à lasser les plus acharné finir par tout simplement arrêter de la harceler. Il n'y avait aucun danger. Mon impulsion n'avait fait de mal à personne.

    Uniquement à moi-même.

    J'étais déterminé à changer le futur. Ce n'était pas une tâche facile à réaliser tout seul, certes, mais je n'avais pas le choix.

    Alice soutenait que je ne serais pas assez fort pour m'éloigner d'elle. J'allais lui prouver le contraire.

    Je pensais que le premier jour serait le plus dur à passer. A la fin de celui-ci, j'en étais certain. Je me trompais, cependant.

    J'étais réticent, sachant que j'allais la blesser. Je me consolai en me disant que la peine qu'elle ressentirait ne serait qu'une chiquenaude – rien d'autre que la légère sensation d'être rejetée – en comparaison de la mienne. Bella était humaine, et elle savait que j'étais quelque chose d'autre, quelque chose de maléfique, quelque chose d'effrayant. Elle allait sûrement se sentir plus soulagée qu'autre chose en me voyant me détourner d'elle et prétendre qu'elle n'existait pas.

    - Bonjour, Edward. Me salua-t-elle, ce premier jour en cour de biologie.

    Sa voix avait été amicale, agréable, bref à cent quatre-vingts degrés du ton de notre dernière conversation.

    Pourquoi ? Pourquoi ce brusque changement ? Avait-elle oublié ? Avait-elle mis l'épisode complet sur le compte de son imagination ? Se pouvait-elle réellement qu'elle m'ait pardonné pour ne pas avoir tenu ma promesse ?

    Ces questions m'avaient brûlé comme la soif qui m'attaquait à chaque fois que je respirais. Un seul instant, la regarder dans les yeux. Juste histoire de voir si je pouvais y trouver quelques réponses...

    Non. Je ne pouvais même pas me permettre cela. Pas si je voulais changer le futur. J'avais tourné le menton d'un millimètre dans sa direction sans quitter le tableau des yeux. J'avais légèrement opiné, avant de reprendre ma position initiale.

    Elle ne m'adressa plus jamais la parole.

    Le soir, aussitôt que les cours s'étaient terminés, une fois que j'avais joué mon rôle, je couru jusqu'à Seattle comme je l'avais fais la veille. La douleur semblait un peu plus supportable quand je volais à travers les montagnes, que tout autour de moi se fondait en une tâche verte et floue.

    Cette course devint mon habitude quotidienne.

    Etais-je amoureux d'elle ? Je ne pensais pas. Pas encore. Les visions passagères d'Alice étaient toutes focalisées sur moi, cependant, et je pouvais voir combien il me serait aisé de tomber amoureux de Bella. Exactement comme tomber : sans effort. M'interdire de l'aimer était l'opposé d'une chute – c'était comme me hisser jusqu'au sommet d'une falaise, prise après prise, la tâche aussi harassante que si je n'avais eu qu'une force humaine.

    Plus d'un mois passa, chaque jour plus dur que le précédent. Cela n'avait d'ailleurs pas le moindre sens pour moi – je m'attendais à voir mes efforts pour m'éloigner d'elle diminuer, je m'attendais à ce que ça devienne plus facile au bout d'un moment. C'était sûrement ce qu'Alice sous-entendait en prédisant que je serais incapable de me tenir éloigné d'elle. Elle avait vu l'escalade de ma douleur. Mais je pouvais supporter la douleur.

    Je n'allais pas détruire le futur de Bella. Si mon destin était de l'aimer, alors l'éviter n'était-il pas le moins que je puisse faire ?

    Cependant, l'éviter se trouvait à la limite de mes possibilités. Je pouvais faire semblant de l'ignorer, et ne jamais la regarder. Je pouvais prétendre qu'elle ne m'intéressait pas. Mais ça se limitait à ça : des faux-semblants, pas de réalité.

    J'étais toujours pendu à ses soupirs, au moindre mot qui s'échappait de ses lèvres.

    Je classai mes tourments en quatre catégories.

    Les deux premières m'étaient familières. Son parfum et son silence. Ou, plutôt – pour mettre le blâme là où il devait être, c'est-à-dire sur moi – ma soif et ma curiosité.

    La soif était de loin le plus primaire de mes tourments. J'étais à présents totalement habitué à ne pas respirer du tout en biologie. Bien évidemment, il y avait toujours des exceptions – quand j'avais à répondre à une question par exemple, et que j'étais à cour d'air pour parler. A chaque fois que je goûtais l'air autour de la fille, c'était exactement comme au premier jour – le feu et le besoin aussi brutal que désespéré de me libérer. Il était difficile de rester capable de réfléchir ou de restreindre mes mouvements dans ce cas. Et, tout comme au premier jour, le monstre en moi voulais rugir, si proche de la surface...

    La curiosité était le plus constant de ces tourments. La question ne quittait jamais mon esprit : A quoi pense-t-elle maintenant ? Quand je l'entendais pousser un léger soupir. Quand elle enroulait distraitement une mèche de ses cheveux autour de son doigt. Quand elle posait ses livres sur la paillasse avec un peu plus de force que d'habitude. Quand elle se ruait en cours, en retard. Quand elle tapait nerveusement du pied par terre. Chaque petit mouvement perçut par ma vision périphérique étaient des énigmes destinées à me rendre fou. Quand elle parlait aux autres élèves, j'analysais chacun de ses mots et le ton qu'elle utilisait. Disait-elle ce qu'elle pensait ou ce qu'elle pensait devoir dire ? Il me semblait bien souvent qu'elle essayait de dire ce que son interlocuteur voulait entendre, et cela me rappelait l'illusion quotidienne à laquelle ma famille et moi nous nous prêtions – nous étions d'ailleurs bien meilleurs qu'elle à ce petit jeu. A moins que je ne me trompe, peut-être que je m'imaginais juste des choses. Après tout, pourquoi jouerait-elle un rôle ? Elle était l'un des leurs – une adolescente humaine.

    Mike Newton était le plus surprenant de mes tourments. Qui aurait pu suspecter qu'un mortel aussi banal qu'ennuyeux puisse se révéler aussi agaçant ? Pour être loyal, il m'aurait fallu montrer un peu de gratitude envers ce garçon : plus que quiconque, il faisait parler la fille. J'en apprenais tant sur elle par le biais de leurs conversations – je composais toujours ma liste – mais au contraire, l'assistance de Mike ne faisait qu'aggraver mon cas. Je ne voulais pas que Mike soit celui qui lui tire ses secrets. Je voulais que ce soit moi.

    Ca aidait un peu qu'il ne remarque jamais ses petites révélations, ses légers faux-pas. Il ne savait rien d'elle. Il s'était créé de toutes pièces une Bella qui n'existait pas – une fille aussi banale que lui. Il n'avait pas vu l'altruisme et la bravoure qui la différenciait des autres humains, il ne percevait pas l'incroyable maturité de ses paroles. Il ne voyait pas que lorsqu'elle parlait de sa mère, on dirait un parent parlant de son enfant plutôt que l'inverse – aimante, indulgente, un peu amusée, et férocement protectrice. Il n'entendait pas la patience dans sa voix quand elle faisait semblant de s'intéresser à ses histoires ennuyantes, et n'avait pas la moindre idée de la gentillesse derrière cette patience.

    Toutes ces conversations avec Mike me permirent d'ajouter l'élément le plus important de ma liste de ses qualités, le plus révélateur de tous, aussi simple qu'il était rare. Bella était doté d'une grande bonté. Tous les autres éléments rejoignaient parfaitement ce dernier – gentille, modeste, altruiste, adorable, aimante et courageuse. Sa bonté traversait toutes les facettes de sa personnalité.

    Ces découvertes encourageantes ne heurtèrent pas l'esprit du garçon, pourtant. Cette vision possessive qu'il avait de Bella – comme si elle était un objet qu'on acquiert – me provoquait presque autant que les fantasmes obscènes qu'il avait à son sujet. Il gagnait en assurance, également, le temps passant, persuadé que Bella le préférait lui à tous ceux qu'il considérait comme ses rivaux – Tyler Crowley, Eric Yorkie, et même, à la rigueur, moi-même. Il avait prit l'habitude de s'asseoir à côté de notre table avant que le cours ne débute, discutant avec elle, encouragé par ses sourires. Rien que des sourires polis, me persuadais-je. De la même manière, je m'amusais souvent à m'imaginer l'envoyer voler à l'autre bout de la pièce pour qu'il aille s'écraser sur le mur...ça n'allait probablement pas le blesser mortellement...

    Mike ne pensait pas souvent à moi comme à un rival. Après l'accident, il s'était inquiété que Bella et moi, on ne tisse des liens suite à notre expérience partagée, mais manifestement l'incident avait plutôt eu l'effet opposé. Il avait de toute manière toujours eu peur que j'accapare l'attention de Bella. Mais à présent que je l'ignorais tout autant que les autre, son assurance ne cessait de grandir.

    A quoi pensait-elle à présent ? Comment accueillait-elle son attention ?

    Enfin, le dernier de mes tourments, le plus douloureux : l'indifférence de Bella. Elle m'ignorait autant que je l'ignorais. Elle n'essaya plus jamais de me reparler. Pour autant que je sache, elle ne pensait jamais à moi.

    Cela aurait pu me rendre fou – ça aurait même pu détruire mes résolutions pour ce qui était de changer le futur – sauf que parfois, elle me regardait comme elle le faisait avant. Je ne le voyais pas moi-même, car je ne pouvais tout simplement pas me permettre de la regarder, mais Alice nous prévenait toujours à chaque fois qu'elle était sur le point de lever les yeux vers nous ; les autres restaient prudents vis-à-vis de la connaissance problématique de la jeune fille.

    Cela soulageait un peu ma douleur, qu'elle me regarde de loin, de temps en temps. Bien sûr, elle devait sans doute se contenter de se demander quelle espèce de monstre je pouvais être.

    - Bella va admirer Edward dans une minute. Ayez l'air normal. Chantonna Alice un Mardi de Mars.

    Les autres prirent grand soin de gigoter et de balancer leur poids d'une jambe à l'autre comme les humains : l'immobilité absolue était une marque distinctive de notre race.

    Je commençai à compter le nombre de fois qu'elle regardait dans ma direction. Cela me faisait plaisir, même si ça n'aurait pas dû, que la fréquence ne déclinait pas avec le temps. Je ne savais pas ce que cela signifiait, mais ça me faisait me sentir mieux.

    Alice soupira. J'aimerais tellement...

    - Reste en dehors de ça, Alice. Soufflai-je. Ca n'arrivera pas.

    Elle fit la moue. Alice avait hâte de fonder cette amitié qu'elle s'était vue avoir avec Bella. D'une étrange manière, cette fille qu'elle ne connaissait pas lui manquait.

    Je l'admets, tu es plus fort que ce que je croyais. Tu as rendu le futur aussi flou et insensé qu'autrefois. J'espère que tu es content.

    - Au contraire Alice, tout cela est parfaitement sensé pour moi.

    Elle gronda doucement.

    J'essayai de la faire taire, trop nerveux pour pouvoir supporter une conversation. Je n'étais pas de très bonne humeur – j'étais plus tendu que je ne le laissais paraître. Seul Jasper, avec sa capacité à sentir et à influencer les états d'âmes des autres, était au courant de ma tension et sentait le stress émaner de moi. Il ne comprenait pas les raisons de ces sensations, cependant, et – comme j'étais sans arrêt d'une humeur noire ces derniers jours – il n'y prêtait pas attention.

    Aujourd'hui allait être un jour difficile. Plus dur à passer que le précédent, comme le voulais la tradition.

    Mike Newton, cet odieux jeune garçon que je ne pouvais me permettre de considérer comme un rival, allait demander à Bella de sortir avec lui.

    Le bal de printemps pointait son nez à l'horizon, et c'était aux filles de choisir leur partenaire, et il avait espéré de toutes ses forces que Bella le choisisse, lui. Qu'elle ne l'ait pas encore fait avait ébranlé sa confiance en lui. A présent il était dans une situation délicate – et je savais que je ne devrais pas normalement être aussi amusé par sa gêne – car Jessica Stanley venait tout juste de lui demander d'être son cavalier. Il ne voulait pas dire « oui », espérant toujours que Bella le choisisse (lui permettant ainsi de prouver sa victoire à ses rivaux), mais il ne voulait pas non plus dire « non » et finir sans partenaire. Jessica, blessée par son hésitation et supposant la raison de celle-ci, fulminait contre Bella. Cette fois encore, j'eu le désir impulsif de me placer entre les pensée destructrices de Jessica et Bella. A présent je commençais à mieux comprendre ce désir, mais cela rendait encore plus frustrant le fait de ne pas pouvoir le satisfaire.

    Qui l'eu cru ! Me voilà obnubilé, sinon carrément obsédé par de petits feuilletons de lycéens, ces mêmes feuilletons que je méprisais autrefois.

    Mike rassembla tout son courage et avança vers Bella en biologie. J'écoutais sa lutte intérieure tandis que j'attendais sa venue, assis à côté d'elle. Ce garçon était faible. Il avait attendu ce bal exprès, car il avait peur que son béguin ne soit connu de tous avant qu'elle n'ait elle-même montré une préférence à son égard. Il ne voulait pas se sentir vulnérable à un possible rejet, et préférait que ce soit elle qui fasse le premier pas.

    Lâche.

    Il s'assit sur notre table, se mettant à l'aise, comme s'il était chez lui, et j'imaginai le son que cela pourrait produire si son corps percutait le mur d'en face assez violement pour que tous ses os se brisent sous le choc.

    - Tu sais, dit-il à la fille, ses yeux vissés au sol, Jessica m'a invité au bal.

    - Super ! Répondit-elle immédiatement avec enthousiasme. Vous allez vous éclater.

    C'était difficile de ne pas sourire devant la façon dont le ton de sa voix s'encra dans l'esprit de Mike. Il avait espéré qu'elle serait déçue. Il se dépatouilla pour trouver une réponse adéquate.

    - C'est que...

    Il hésitait, à deux doigts de se dégonfler. Puis il se ressaisit et ajouta

    - Je lui ai répondu que j'avais besoin d'y réfléchir.

    - Quelle idée ! Plastronna-t-elle.

    Son ton était désapprobateur, mais s'y pointait également une touche de soulagement.

    Qu'est-ce que cela signifiait ? Une furie aussi intense qu'imprévue transforma mes mains en poings.

    Mike n'avait pas perçut la touche de soulagement. Son visage était rouge, le sang affluait – vu la violence qui venait de monter en moi, cela ressemblait fort à une invitation – et il regarda le sol à nouveau pour parler.

    - Je me demandai si...euh, si tu comptais m'inviter, toi.

    Bella hésita.

    A ce moment précis, ce moment d'hésitation, je pu voir le future plus clairement qu'Alice ne l'avait jamais fait.

    La fille allait dire oui à la question tacite de Mike, ou peut-être que non, mais de toute manière, un jour, bientôt, elle allait dire oui à quelqu'un. Elle était adorable et intrigante, et ça les hommes allaient le remarquer – ils le remarquaient déjà. Qu'elle jette son dévolu sur quelqu'un parmi cette foule terne, ou qu'elle attende d'être libérée de Forks, un jour viendra ou elle dirait oui.

    Je vis sa vie comme je l'avais fais autrefois – université, carrière...amour, mariage. Je la vis au bras de son père, à nouveau, vêtue de soie blanche et de tulle, son visage rouge de bonheur tandis qu'elle se déplaçait lentement au rythme de la marche de Wagner.

    La douleur fut plus forte que tout ce que j'avais pu endurer par le passé. Un humain aurait été au bord de l'agonie devant une telle souffrance – un humain ne s'en relèverait pas.

    Et ce n'était pas uniquement de la douleur, mais aussi, carrément de la rage.

    Ma furie avait désespérément besoin d'un exutoire physique. Même si ce garçon ingrat et insignifiant avait peu de chance d'être celui à qui Bella dirait oui, je mourais d'envie d'écraser son crâne entre mes paumes, de le faire payer, lui, à la place de cette personne.

    Je ne comprenais pas cette émotion – c'était un étrange mélange de douleur, de rage, de désir et de désespoir. Je n'avais jamais ressentit cela auparavant, et je ne pouvais pas mettre un nom dessus.

    - Mike, je crois que tu devrais accepter. Dis Bella d'une voix douce.

    Les espoirs de Mike se cassèrent royalement la figure. En d'autres circonstances, cela m'aurait beaucoup amusé, mais j'étais perdu dans le contrecoup de cette douleur – et dans le remords pour l'effet que cette douleur et cette rage avait eu sur moi.

    Alice avait raison. Je n'étais pas assez fort.

    En cet instant précis, Alice devait sûrement être en train d'observer le futur changer à nouveau de cap pour se retrouver à nouveau dépendant du choix déchirant entre ces deux destinées. Etait-elle satisfaite ?

    - Tu as déjà choisi quelqu'un ? Demanda soudain Mike.

    Il me toisa, méfiant envers moi pour la première fois depuis des semaines. Je réalisai trop tard que je m'étais fourvoyé : ma tête était à présent légèrement tournée vers Bella.

    L'envie sauvage qui envahit ses pensées – une envie envers quiconque serait préféré de Bella – m'aida soudain à mettre un nom sur mon étrange émotion.

    J'étais jaloux.

    - Non. Répondit la fille, une trace d'humour dans sa voix. J'ai bien l'intention de sécher le bal.

    Parmi mes remords et ma colère, je ressentis du soulagement à ses mots. Soudainement, je m'étais mis à dresser la liste de mes rivaux.

    - Pourquoi ? Demanda Mike.

    Son ton avait été presque grossier. Qu'il lui parle de cette manière m'offensait. Je retins un grognement.

    - Je vais à Seattle, ce samedi là. Répondit-elle.

    Ma curiosité ne fut pas aussi vicieuse que d'habitude, cette fois, car je savais que j'étais en mesure de la satisfaire. Je saurais le pourquoi du comment de cette nouvelle révélation en temps et en heures.

    Mike prit un ton dragueur qui me déplut fortement.

    - Tu ne peux pas choisir un autre week-end ?

    - Non, désolée. Dis brusquement Bella. En tout cas, tu ne devrais pas faire attendre Jessica plus longtemps. C'est impoli.

    Sa sollicitude pour Jessica éteignit d'un soudain les flammes de ma jalousie. Cette excursion à Seattle était clairement une excuse pour dire non – avait-elle refusé par pure loyauté envers son amie ? Elle était bien assez altruiste pour ça. Désirait-elle en réalité dire oui ? Ou peut-être était-ce totalement différent : était-elle intéressée par quelqu'un d'autre ?

    - Ouais, marmonna Mike, tu as raison.

    Il était tellement démoralisé que j'avais presque pitié de lui. Presque.

    Il détacha son regard de la jeune fille, interrompant mon angle de vue de son visage par ses pensées.

    Je n'allais pas tolérer ça.

    Je me tournai pour voir son visage de mes propres yeux, pour la première fois depuis plus d'un mois. C'était incroyablement soulageant de me permettre cela, comme une bouffée d'air après une longue apnée.

    Ses yeux étaient clos, et ses mains se pressaient de chaque côté de son visage. Ses épaules étaient légèrement courbées en avant, en position défensive. Elle secoua un peu sa tête, comme si elle essayait de chasser une pensée de son esprit.

    Frustrant. Fascinant.

    La voix de M. Banner la tira de ses rêveries, et ses yeux s'ouvrirent lentement, avant de se poser presque immédiatement sur moi, sentant peut-être mon regard. Elle soutint mon regard avec la même expression abasourdie qui m'avait hantée pendant si longtemps.

    En cet instant, il ne restait plus aucune trace de remord, de culpabilité ou de rage en moi. Je savais que tout cela allait revenir, et revenir bientôt, mais pour le moment je subissais une étrange escalade de nervosité. Un sentiment de victoire, plutôt que de défaite.

    Elle ne détourna pas les yeux, même si je la fixais avec une intensité inappropriée, essayant vainement de tirer quelque information de son regard de chocolat fondu, un regard plein de question, plutôt de que réponses.

    Je pus voir mon propre reflet dans ses yeux, et je vis que les miens étaient noircis par la soif. Cela faisait presque deux semaines que je n'avais pas chassé ; je n'avais pas choisi le bon jour pour laisser ma volonté d'écrouler. Mais cette noirceur ne semblait pas l'effrayer. Elle ne détournait toujours pas le regard, et un rose au pouvoir de séduction purement dévastateur vint colorer sa peau.

    A quoi pensait-elle maintenant ?

    J'avais presque posé ma question à haute voix, mais à ce moment là, M. Banner m'avait appelé. Je dénichai la bonne réponse dans sa tête pendant de que tournai la tête dans sa direction.

    J'inspirai brièvement

    - Le Cycle de Krebs.

    La soif m'écorcha la gorge, banda mes muscles et remplis ma bouche de venin, et je fermais les yeux, essayant de me concentrer malgré le désir que son sang m'inspirait rageusement.

    Le monstre était plus fort qu'avant. Le monstre se réjouissait. Il embrassait pleinement se futur coupé en deux que je lui avais offert sur un plateau, ce « fifty-fifty » auquel il inspirait si vicieusement. Le troisième, ce future incertain que j'avais tenté de construire par la force de ma seule volonté venait de s'effondrer – détruite par une banale jalousie de surcroît – et à présent, le monstre n'avais jamais été aussi près du but.

    Le remord et la culpabilité me brûlèrent en même temps que la soif, et, s'ils en avaient été capables, mes yeux se seraient remplis de larmes.

    Qu'avais-je fait ?

    Sachant que le combat était dors et déjà perdu, il ne semblait plus subsister la moindre raison qui puisse m'empêcher de faire ce que je désirais : je me tournai et la regardai à nouveau.

    Elle s'était cachée derrière un épais rideau de ses cheveux sombres, mais je pouvais tout de même distinguer entre les mèches que ses joues étaient cramoisies à présent.

    Le monstre aimait ça.

    Elle ne croisa pas mon regard à nouveau, mais elle tritura nerveusement l'un de ses cheveux entre ses doigts. Ses doigts fins, son poignet délicat, ils étaient si fragiles, comme si je pouvais les casser d'un simple souffle.

    Non, non, non. Je ne pouvais pas faire ça. Elle était trop fragile, trop bonne, trop précieuse pour mériter ce sort. Je ne pouvais pas permettre à ma vie d'entrer en collision avec la sienne, et de la détruire.

    Mais je ne pouvais pas non plus rester éloigné d'elle. Alice avait raison depuis le début.

    Le monstre en moi feula de frustration tandis que j'hésitais, considérant d'abord une solution, puis l'autre.

    Mon heure en sa compagnie passa bien trop vite, alors que je vacillais toujours d'un choix à l'autre. La cloche sonna, et elle commença à rassembler ses affaires sans me regarder. Cela me déçu, mais je ne pouvais rien attendre d'autre de sa part. Mon attitude envers elle depuis l'accident était tout bonnement inexcusable.

    - Bella. L'appelai-je, incapable de me retenir.

    Ma volonté tombait déjà en lambeaux. Elle hésita avant de me regarder ; lorsqu'elle se retourna, elle était sur ses gardes, méfiante.

    Je me rappelai qu'elle avait toutes les raisons du monde de ne pas me faire confiance. Que c'était la meilleure des attitudes qu'elle puisse avoir.

    Elle attendait que j'ajoute quelque chose, mais je me contentais de la regarder, de lire dans son visage. J'inspirais régulièrement et à petites bouffées, combattant ma soif.

    - Quoi ? Dit-elle finalement. Tu me parles de nouveau ?

    Il y avait une pointe de ressentiment dans sa voix qui était, à l'instar de sa colère, attendrissante. Ca me donnait envie de sourire.

    Je n'étais pas sûr de savoir quelle réponse lui donner. Lui reparlai-je, au sens où elle l'entendait ?

    Non. Pas si je pouvais faire autrement. Et j'allais tout faire pour ça.

    - Non, pas vraiment. Lui dis-je.

    Elle ferma les yeux, ce qui me frustra. Elle coupait mon meilleurs accès à ses sentiments. Elle prit une longue, profonde inspiration sans rouvrit les yeux. Ses mâchoires étaient serrées.

    Ses yeux toujours clos, elle parla. Voilà qui n'était certainement pas un moyen de conversation très répandu chez les humains. Pourquoi s'y prenait-elle de cette manière ?

    - Alors, qu'est-ce que tu veux, Edward ?

    Le son de mon nom sur ses lèvres déclencha une réaction étrange dans mon corps. Si mon cœur battait encore, il se serait affolé.

    Mais comment lui répondre ?

    Par la vérité, décidai-je. J'allais me montrer aussi fiable que possible avec elle désormais. Je ne voulais pas qu'elle se méfie de moi, même si espérer sa confiance était tout simplement impossible.

    - Je te prie de m'excuser. Lui dis-je.

    C'était sûrement la chose la plus vraie qu'elle n'entendrait jamais de ma part. Malheureusement, je pouvais uniquement m'excuser sur mes crimes les moins graves.

    - Je ne suis pas très courtois, je sais. Mais c'est mieux comme ça, crois moi.

    Ca serait encore mieux si je pouvais continuer de me montrer discourtois. Le pouvais-je ?

    Ses yeux s'ouvrirent, toujours aussi prudents.

    - Je ne te comprends pas.

    J'essayais de la mettre en garde autant que possible.

    - Il vaut mieux que nous ne soyons pas amis. (ça elle pouvait le comprendre, c'était une fille intelligente) Fais-moi confiance.

    Son expression se durcit, et je me souvins un peu tard que je lui avais déjà demandé sa confiance – juste avant de la trahir. Je tressaillis quand ses dents grincèrent – elle s'en souvenais parfaitement, elle aussi.

    - Dommage que tu ne t'en sois pas aperçu plus tôt. Dit-elle avec colère. Tu te serais épargné tous ces regrets.

    Sous le choc, je la fixai. Que savait-elle de mes regrets ?

    - Des regrets ? De quoi ?

    - De ne pas avoir laissé cet imbécile de fourgon me réduire en bouillie ! Asséna-t-elle.

    Je me figeai, abasourdi.

    Comment pouvait-elle penser cela ? Lui sauver la vie était la seule chose acceptable que j'avais faite depuis que je l'avais rencontrée. La seule chose dont je n'avais pas honte. La seule et unique chose qui me rendait fier d'exister ! Depuis la seconde où j'avais humé son odeur pour la première fois, je m'étais littéralement battu pour la garder en vie. Comment pouvait-elle penser cela de moi ? Comment osait-elle remettre en question mon unique bonne action dans tout ce foutoir ?

    - Tu penses vraiment que je regrette de t'avoir sauvée ?

    - Je le sais ! Rétorqua-t-elle.

    Son interprétation de mes intentions me laissait pantois

    - Tu ne sais rien du tout.

    Combien le fonctionnement de son esprit était incompréhensible ! Elle ne devait pas raisonner comme les autres humains. Cela pourrait expliquer son silence énigmatique. Elle était entièrement autre.

    Elle tourna brusquement la tête, ses dents grinçant à nouveau. Ses joues étaient rouges, de colère cette fois. Elle empila violement ses livres et les tira d'un coup sec vers elle avant de partir en direction de la porte sans m'accorder un regard.

    Tout aussi irrité que je fusse, je ne pus m'empêcher de trouver sa colère un tantinet divertissante. Elle marchait d'un pas chancelant, sans regarder où elle allait, et se prit le pied dans le chambranle. Elle trébucha, et toutes ses affaires s'étalèrent sur le sol. Au lieu de se pencher immédiatement pour les ramasser, elle resta droite comme un I, sans même regarder par terre, comme si elle n'était pas certaine que ses livres en vaillent la peine.

    Je me démenai pour ne pas rire.

    Personne ne me regardait : je volai à ses côté et tenais ses livres empilé dans l'ordre avant qu'elle n'eu le temps de regarder par terre.

    Elle se baissa à moitié, m'aperçut, et se figea. Je lui rendis ses livres, m'assurant qu'aucune parcelle de ma peau glaciale n'entre en contact avec la sienne.

    - Merci. Dit-elle d'une voix froide, sévère

    Ce ton fit revenir mon irritation.

    - De rien.

    Elle se redressa et partit à grands pas vers son prochain cours.

    Je la suivi des yeux jusqu'à ce que je ne pus plus voir son visage en colère.

    Je passai le cours d'Espagnol dans les nuages. Mme Goff ne me reprocha jamais mon inattention – consciente du fait que mon Espagnol était bien supérieur au sien – et me laissa tout loisir de rêver

    Donc, je ne pouvais ignorer la fille. C'était évident. Mais cela voulait-il forcément dire que je n'avais pas d'autre choix que de la détruire ? Ca ne pouvait pas être le seul avenir possible. Il devait y avoir une autre solution. J'essayai de penser à un moyen de...

    Je ne prêtai attention à Emmett que vers la fin de l'heure. Il était curieux – Emmett n'était peut-être pas doué pour voir clairement les changements d'humeur chez les autres, lui, mais cela ne l'avait pas empêché de remarquer un changement manifeste chez moi. Il se demandait ce qui avait bien pu ôter mon habituelle humeur massacrante de mon visage. Il chercha à définir ce changement, et décréta finalement que j'avais l'air plein d'espoir

    Plein d'espoir? C'était donc cela que l'on voyait en me regardant ?

    Je méditai sur l'idée que je me faisais de l'espoir tandis que nous nous dirigions vers la Volvo, me demandant ce que je pouvais bien espérer.

    Mais je n'eu pas le temps de méditer à ce sujet. Sensible que j'étais à toute pensée se rapportant à la fille, le son du nom de Bella dans la tête de...de mes rivaux, je suppose que je devais l'admettre, attira mon attention. Eric et Tyler, ayant apprit – à leur grande satisfaction – l'échec de Mike, se préparaient à tenter leur chance.

    Eric était déjà en place, près de sa camionnette, là où elle ne pourrait pas le louper. La classe de Tyler était retenue un peu plus longtemps pour recevoir une consigne, et il se dépêchait pour la rattraper avant qu'elle ne s'échappe.

    Je devais absolument voir ça.

    - Attend les autres ici, d'accord ? Murmurai-je à Emmett.

    Il me dévisagea d'un air soupçonneux, puis haussa les épaules et acquiesça.

    Ce gosse a perdu la tête. Pensa-t-il, amusé par mon étrange requête.

    Je vis Bella arriver du gymnase, et attendis là où elle ne pourrait pas me voir. Alors qu'elle s'approchait de l'embuscade d'Eric, je m'approchai à grands pas, calculant mes pas pour pouvoir arriver à leur niveau pile au bon moment.

    Je vis son corps se raidir à la vue du garçon qui l'attendait. Elle se figea un moment, puis se détendit et s'approcha.

    - Salut ! L'entendis-je le saluer d'une voix amicale.

    Je ressentis alors une soudaine anxiété totalement imprévue. Et si cet adolescent dégingandé et boutonneux lui plaisait ?

    Eric déglutit bruyamment, faisant rebondir sa pomme d'Adam.

    - Salut, Bella.

    Elle ne semblait pas consciente de sa nervosité.

    - Quoi de neuf ? Demanda-t-elle, déverrouillant sa camionnette sans regarder son air effrayé.

    - Euh, je me demandais juste...si tu accepterais d'aller au bal avec moi ?

    Sa voix se brisa.

    Elle leva enfin les yeux. Etait-elle décontenancée, ou flattée ? Eric ne pouvait pas la regarder dans les yeux, alors je ne pu voir son visage dans son esprit.

    - Je croyais que c'était aux filles de choisir leur cavalier ? Dit-elle d'une vois troublée.

    - Euh, ouais. Admit-t-il lamentablement.

    Ce pitoyable garçon ne m'irrita pas autant que Mike Newton, mais je ne pus pas me résoudre à ressentir la moindre compassion à son angoisse jusqu'à ce que Bella ne lui réponde d'une voix douce.

    - Je serais à Seattle ce jour là, mais merci quand même.

    Il avait déjà entendu cela ; pourtant, il était déçu.

    - Oh, marmonna-t-il, réussissant à peine à lever ses yeux jusqu'au niveau de son nez. Une autre fois peut-être.

    - C'est ça. Dit-elle.

    Aussitôt elle se mordit la lèvre inférieure, comme si elle regrettait de lui donner de faux espoirs. Cela me plu beaucoup.

    Eric baissa les bras et partit – dans la mauvaise direction.

    Je passai devant elle à ce moment précis, et l'entendis pousser un soupir de soulagement. Je ris.

    Elle tourna la tête à droite à gauche pour identifier la source du son, mais je me contentai de regarder droit devant moi, essayant de me retenir de sourire d'amusement.

    Tyler était derrière moi, courant presque pour l'attraper avant qu'elle ne prenne la route pour rentrer chez elle. Il était plus audacieux et plus serein que les deux autres ; la seule raison pour laquelle il n'avait pas approché Bella plus tôt était qu'il avait laissé Mike tenter d'abord sa chance, par respect pour lui.

    Je voulais qu'il réussisse à parler à Bella pour deux raisons. Si – comme je le soupçonnais déjà – son attention n'allait faire que gêner Bella, je voulais avoir le plaisir de regarder sa réaction. Mais, si c'était l'inverse – si l'invitation de Tyler était précisément celle qu'elle espérait – alors je voulais le savoir, également.

    Je considérais Tyler Crowley comme un rival, tout en sachant que c'était mal. Il me semblait assez transparent et quelconque, mais que savais-je des goûts de Bella ? Peut-être qu'elle aime les garçons transparents...

    Je tressaillis à cette pensée. Je ne pourrais jamais être un garçon transparent. Qu'il était idiot de me placer moi-même en compétition pour obtenir son affection. Comment pourrait-elle ne serait-ce que de se soucier de quelqu'un qui était, selon toute vraisemblance, un monstre ?

    Elle était bien trop bonne pour un monstre.

    J'aurais dû la laisser s'échapper, mais mon inexcusable curiosité eu le dessus. Une fois de plus. En effet, et si Tyler loupait sa chance maintenant, et la contactait plus tard, quand il ne me serait plus possible de connaître le fin mot de l'histoire ? Je fis sortir ma Volvo de la place de parking pour la placer sur l'allée étroite, empêchant Bella de sortir.

    Emmett et les autres arrivèrent, mais il leur avait décrit mon étrange attitude, et ils marchaient lentement, tout en me regardant, essayant de savoir ce que je faisais.

    Je regardais la fille dans le rétroviseur. Elle lançait des regards mauvais à l'arrière de ma voiture sans me regarder, comme si elle aurait souhaité être aux volants d'un tank plutôt que d'une Chevrolet rouillée.

    Tyler se précipita dans sa voiture, et se plaça dans l'embouteillage juste derrière elle, reconnaissant pour mon inexplicable attitude. Il essaya d'attirer son attention, mais elle ne le remarqua pas. Il attendit un moment, puis sortit de sa voiture, et alla taper légèrement sur la fenêtre du côté passager.

    Elle sursauta, et le regarda avec étonnement. Après une seconde, elle baissa manuellement la vitre, semblant d'ailleurs rencontrer quelques problèmes avec.

    - Excuse-moi Tyler, dit-elle d'une voix agacée, je suis coincée derrière Cullen.

    Elle prononça mon nom de famille d'une voix dure – elle était toujours fâché.

    - Oh, je sais. Dit Tyler, pas perturbé le moins du monde par son humeur, je voulais juste te proposer quelque chose pendant qu'on est bloqué ici.

    Son sourire était bien trop sur de lui.

    Je fus content de la voir pâlir devant ses évidentes intentions.

    - Tu veux bien m'inviter au bal ? Demanda-t-il, persuader d'aller au devant d'une victoire.

    - Je ne serais pas là Tyler. Répondit-elle, l'irritation perçant toujours dans sa voix.

    - Ouais, Mike me l'a dit.

    - Alors pourquoi... ?

    - J'espérais seulement que c'était une façon sympa de l'éconduire. Dit-il en haussant les épaules.

    Ses yeux s'écarquillèrent, puis se refroidirent.

    - Désolée Tyler (elle ne semblait pas désolée du tout), je serais effectivement absente.

    Il accepta son excuse, son assurance intacte.

    - Pas grave. Il nous restera toujours le bal de promo.

    Il retourna dans sa voiture.

    J'avais eu raison d'attendre.

    L'expression horrifiée qui s'étalait sur son visage n'avait pas de prix. Ce qui répondit à une question dont je ne devrais pas vouloir à ce point la réponse : parmis tous les hommes humains qui la courtisaient, aucun d'eux n'avaient droit à un traitement de faveur. Elle ne ressentait rien pour eux.

    Il y avait aussi que cette expression était certainement la chose la plus hilarante qu'il m'ait été donné de voir.

    C'est alors que ma famille arriva, étonné de me voir secoué de rire plutôt qu'en train de fixer avec des envies de meurtre tout ce sur quoi mon regard se posait.

    Qui a-t-il de si drôle ? Demanda Emmett, curieux.

    Je secouai ma tête, à nouveau pris d'un fou rire tandis que Bella faisait rugir son engin à grands bruits. On aurait à nouveau dit qu'elle désirait un tank.

    - Démarre ! Siffla Rosalie impatiemment. Arrête de faire l'idiot. Si tu en es capable.

    Ses mots n'eurent aucun effets sur moi – je m'amusais trop. Mais je fis quand même ce qu'elle me dit.

    Personne ne me parla sur le chemin du retour. Je continuais de pouffer de temps à autre, repensant à la tête qu'avait faite Bella.

    Alors que l'on sortait de la ville – accélérant maintenant qu'il n'y avait plus de témoins – Alice ruina ma bonne humeur.

    - Alors, j'ai le droit de parler à Bella maintenant ? Demanda-t-elle soudainement, sans m'avertir par une pensée.

    - Non. Assénai-je.

    - Ce n'est pas du jeu ! Qu'est-ce que je dois attendre ?

    - Je n'ai rien décidé, Alice.

    - C'est inutile, Edward.

    Dans sa tête, les deux destinées de Bella étaient à nouveau claires comme du cristal.

    - A quoi ça t'avancerait de la connaître ? Marmonnai-je, soudain morose. Si je vais la tuer ?

    Alice hésita pendant une seconde.

    - Tu marques un point, là. Admit-elle.

    Je pris de dernier virage à cent quarante quatre kilomètre heure et pillai pour m'arrêter à un millimètre du mur du garage.

    - Bon jogging. Dit Rosalie d'un don grinçant alors que je m'extirpais hors de la voiture.

    Mais je n'allais pas courir cette nuit. J'allais chasser.

    Les autres s'étaient habitués à aller chasser le mercredi, demain, mais je ne pouvais pas me permettre d'être assoiffé maintenant. J'en fis trop, buvant plus que de raison, m'empiffrant à nouveau – un petit troupeau de cerf et un ours que je fus chanceux de trouver aussi tôt dans l'année. J'étais si plein que c'en était inconfortable. Pourquoi n'était-ce pas assez ? Pourquoi son odeur devait être plus forte que tout le reste ?

    Je devais chasser pour me préparer au jour suivant, mais, alors que j'étais trop plein pour chasser à nouveau et que le soleil menaçait à chaque heure de percer, je sus que le jour suivant était trop loin.

    Mes nerfs s'affolèrent lorsque je me rendis compte que j'étais partit rejoindre la fille.

    Je me disputai avec moi-même tout le long du trajet de retour à Forks, mais ce fut mes moins bons côtés qui l'emportèrent, et je suivis mon plan indéfendable. Le monstre était là, mais bien nourrit. Je savais que je resterais à une distance raisonnable d'elle. Je voulais juste savoir où elle était. Je voulais juste voir son visage.

    Il était minuit passé, et la maison de Bella était sombre et calme. Sa camionnette était garée à côté de la voiture de fonction de son père sur la place de parking. Il n'y avait pas de pensée éveillée dans les environs. Je regardais la maison pendant un moment depuis la pénombre de la forêt qui longeait la façade est. L'entrée principale devrait probablement être fermée – cela ne poserait aucun problème, excepté qu'il valait mieux que je ne laisse pas de trace de mon passage. Je décidai d'essayer la fenêtre en premier. Presque personne ne se donnait la peine d'y installer des sécurités.

    Je traversai la route déserte et escaladai la façade en une demi seconde. Pendu d'une main à l'avant-toit de la fenêtre, je regardais à travers la vitre, et là mon souffle se coupa.

    C'était sa chambre. Je pouvais la voir dans le petit lit une place, ses couvertures sur le sol et ses draps ondulants autours de ses jambes. Alors que je regardais, elle s'agita et mit un bras sur sa tête. Elle ne ronflait pas, en tout cas pas cette nuit. Avait-elle sentit le danger près d'elle ?

    La voyant se retourner à nouveau, je me dégoûtais. En cet instant, je ne valais pas mieux qu'un pervers voyeur. Je n'étais rien d'autre. J'étais pire, bien pire.

    Je détendis mes phalanges, sur le point de me laisser tomber, mais avant cela je m'autorisai un long regard sur son visage.

    Il n'était pas calme. Le petit creux était à nouveau entre ses sourcils et les coins de ses lèvres étaient tournés vers le bas. Ses lèvres tremblèrent, puis se séparèrent.

    - Ok, Maman. Murmura-t-elle.

    Bella parlait dans son sommeil.

    Ma curiosité bondit, dépassant de loin ma répugnance pour ce que j'étais en train de faire. Cette petite lucarne vers des pensées inconscientes et sans défenses était incroyablement tentante.

    Je testai la fenêtre, elle n'était pas verrouillée, mais elle grinçait, elle n'avait sûrement pas été ouverte depuis longtemps. Je la fis glisser lentement, terrorisé à chaque petit grincement de la charpente de métal. La prochaine fois, j'amènerai de l'huile...

    La prochaine fois ? Je secouais ma tête, dégoûté à nouveau.

    Je me glissai lentement à l'intérieur.

    Sa chambre était petite – désorganisée mais propre. Il y avait des livres empilés sur le sol à côté de son lit, leur reliure me tournant le dos, et des CD s'étalaient près de son modeste lecteur – le disque du dessus n'était qu'un boité vide. Des piles de papiers entouraient un ordinateur qui mériterait d'avoir sa place dans un musée réservé aux technologies obsolètes. Des chaussures parsemaient le parquet.

    Je désirais ardemment aller lire les titres de ses livres et de ces disques, mais je m'étais promis de rester à bonnes distances, alors à la place, j'allai m'installer dans un rocking-chair dans un coin de la pièce.

    L'avais-je vraiment un jour trouvé banale ? Je pensais à ce premier jour, et à mon dégoût pour tous ces garçons immédiatement intrigués par elle. Mais à présent que je me souvenais de la manière dont son visage avait été représenté dans leur esprit, je ne pouvais comprendre pourquoi je ne l'avais pas immédiatement trouvé belle. Ca semblait si évident.

    A présent que je la regardais – avec ses cheveux sombres ondulants sauvagement autour de son visage pâle, vêtue de son t-shirt élimé et plein de trous et de son vieux pantalon de jogging, ses membres détendu, ses lèvres pleines légèrement entrouvertes – elle me coupais le souffle. Du moins l'aurait-elle fais, pensai-je avec humour, si je respirais.

    Elle ne parla plus. Peut-être que son rêve était terminé.

    J'admirais son visage tout en essayant de penser à un moyen de rendre l'avenir supportable.

    La blesser n'était pas supportable. Cela voulait-il dire que mon seul choix était d'essayer de partir à nouveau ?

    Les autres ne m'en blâmeraient pas à présent. Mon absence ne mettrait personne en danger. Personne n'aurait de soupçons, personne ne ferait le lien avec l'accident.

    J''hésitai comme j'avais hésité cet après midi, et rien ne semblait possible.

    Je ne pouvais pas espérer rivaliser avec les jeunes humains, que ces humains là l'attirent ou pas. J'étais un monstre. Comment pourrait-elle me voir autrement ? Si jamais elle venait à savoir la vérité à mon sujet, cela l'effraierait et l'écœurerait. Comme les victimes présumées dans les films d'horreur, elle s'enfuirait en hurlant.

    Je me souvins de ce premier jour en biologie...oui, elle s'enfuirait ; et elle aurait bien raison.

    Il était complètement débile d'imaginer que si je l'avais invité à ce bal ridicule, elle aurait annulé ses plans et accepté ma proposition.

    Je n'étais pas celui à qui elle allait dire oui. C'était quelqu'un d'autre, quelqu'un d'humain et de chaud. Et je ne pourrais même pas me permettre – ce jour là, lorsqu'elle aurait dit oui – de le traquer et de le tuer, parce qu'elle le mériterait, qui ce que soit. Elle méritait le bonheur et l'amour plus que quiconque.

    Je lui devais d'agir pour le mieux à présent. A présent que je ne pouvais plus prétendre être sur le point de l'aimer.

    Après tout, cela importait peu, si je partais, parce que Bella ne pourrais jamais me voir comme je désirerais qu'elle me vît. Elle ne me verrait jamais comme quelqu'un dont elle pourrait tomber amoureuse.

    Jamais.

    Est-ce qu'un cœur mort et gelé pouvait encore se briser ? Le mien en semblait capable.

    - Edward. Dit Bella.

    Je me figeai, regardant ses yeux clos.

    M'avait-elle vu, était-elle éveillée ? Elle semblait endormie, mais sa voix avait été si claire...

    Elle soupira calmement, et bougeant à nouveau, se roulant sur le côté.

    - Edward...Répéta-t-elle doucement.

    Elle rêvait de moi.

    Est-ce qu'un cœur mort et gelé pouvait battre à nouveau. Le mien en semblait capable.

    - Reste. Soupira-t-elle. Ne pars pas. Je t'en prie...ne pars pas.

    Elle rêvait de moi, et ce n'était même pas un cauchemar. Elle voulait que je reste avec elle, là dans son rêve.

    Je me débattis pour trouver des mots pour nommer les sensations qui se déversèrent en moi, mais aucun mot n'était assez fort pour les contenir. Pendant un long moment, je m'y noyai.

    Quand je refis surface, je n'étais pas le même homme qu'avant.

    Ma vie était un minuit éternel et immuable. Pour moi, c'était inévitable, il sera toujours minuit. Alors comment était-il possible que le soleil se lève, là maintenant, au milieu de ce minuit ?

    A l'instant où je suis devenu vampire, échangeant mon âme et ma mortalité pour l'immortalité la douleur brûlante de la transformation, j'avais été littéralement gelé. Mon corps s'était transformé en quelque chose qui s'apparentait plus à de la pierre qu'à de la chaire, dure et immobile. Ma conscience, aussi, s'était gelée – ma personnalité, mes goûts et mes dégoûts, mes désirs et mes répugnances ; tout c'était figé.

    C'était la même chose pour chacun de nous. Nous étions tous figés. Des pierres vivantes.

    Quand un changement survient en nous, c'est une chose rare et permanente. Je l'ai vu chez Carlisle, puis plus tard chez Rosalie. L'amour les a changé d'une façon permanente, éternelle. Plus de quatre-vingts ans s'étaient écoulés depuis que Carlisle avait trouvé Esmée, et il continuait à la regarder avec les yeux incrédules du premier amour. Il en serait ainsi pour l'éternité.

    De même que pour moi. J'allais aimer cette humaine, si fragile et délicate, pour le restant de mon existence sans limite.

    J'admirais son visage, sentant cet amour pour elle s'encrer dans chaque portion de mon corps de pierre.

    Elle dormait calmement à présent, un petit sourire aux lèvres.

    Tout en la regardant, je commençai à comploter.

    Je l'aimais, alors j'allais essayer d'être assez fort pour la quitter. Je savais que je n'étais pas assez fort pour le moment. J'allais travailler ce point. Mais peut-être étais-je assez fort pour faire changer le futur de cap.

    Alice avait vu deux avenirs pour Bella, et à présent je comprenais les deux.

    L'aimer ne m'empêcherait pas de la tuer, si je me laissais faire des erreurs.

    Je ne pouvais plus sentir le monstre à présent, je ne le trouvais plus, nulle part en moi. Peut-être que l'amour l'avait réduit au silence. A présent, si je la tuais, ce ne serait pas intentionnel, seulement un effroyable accident.

    J'allais devoir être extrêmement prudent. Je ne devrais jamais, jamais baisser ma garde. J'allais devoir contrôler chacune de mes inspirations, chacun de mes mouvements. J'allais devoir respecter une permanente distance de sécurité.

    Je n'allais pas faire d'erreur.

    Je compris enfin le second futur. J'avais été dérouté par cette vision – que pouvait-il bien se passer pour que Bella se retrouve prisonnière de cette demi-vie immortelle ? Mais à présent – dévasté de désir pour cette fille – je pouvais comprendre comment je pourrais, dans un élan d'impardonnable égoïsme, implorer mon père de me faire cette faveur. L'implorer de lui prendre et sa vie et son âme pour que je puisse la garder près de moi pour toujours.

    Elle méritait mieux.

    Mais je vis un autre avenir, un fil extrêmement fin et fragile sur lequel je pourrais peut-être marcher, si je savais garder l'équilibre.

    Pouvais-je faire cela ? Etre avec elle et la garder humaine ?

    Délibérément, je pris une profonde inspiration, puis une autre, laissant son arôme me déchirer comme un feu sauvage. Sa chambre débordait de son parfum, sa fragrance restait accrochée à chaque objet. Ma tête me tournait mais je combattis le vertige. Je devais m'y habituer, si je voulais essayer d'avoir une quelconque relation avec elle. Je pris une autre bouffée d'air brûlant.

    Je la regardais dormir jusqu'à ce que le soleil se lève derrière les nuages à l'est, complotant contre moi.

    Je rentrai à la maison juste après le départ des autres pour le lycée. Je me changeai rapidement, ignorant le regard interrogateur d'Esmée. Elle avait vu comme mon visage rayonnait, et cela l'avait rendue tant soulagée qu'inquiète. Ma longue mélancolie lui avait fait de la peine, et elle était heureuse de voir que ma douleur semblait s'en être allée.

    Je couru jusqu'au lycée, arrivant quelque secondes après mes semblables. Ils ne se retournèrent pas, alors qu'Alice savait au minimum que je me tenais dans le bois qui longeait la chaussée. J'attendis que personne ne regarde, puis sortit du bois comme si de rien n'était pour arriver au milieu des nombreuses voitures garées.

    J'entendis la camionnette de Bella gronder près du virage, et m'arrêtais derrière une Suburban, d'où je pouvais voir sans être vu.

    Elle roula en direction du parking, fixant ma Volvo un long moment avant de se garer à l'une des places les plus éloignées de ma voiture, en fronçant les sourcils.

    Il était étrange de se rappeler qu'elle était probablement toujours fâchée contre moi, et avec de bonnes raisons.

    J'avais envie de me moquer de moi – ou de me gifler. Tout mon complot ainsi que mes plans étaient entièrement caduc si de son côté elle n'éprouvait rien pour moi, n'est-ce pas ? Son rêve avait sûrement dû porter sur quelque chose que complètement banal. Je n'étais qu'un crétin arrogant.

    De toute façon, il valait mieux pour elle qu'elle ne ressente rien pour moi. Cela ne m'empêcherait pas de la harceler, mais ça l'avertirait en tout cas que je la harcelai. Je lui devais bien ça.

    J'avançais dans sa direction silencieusement, me demandant quel était le meilleur moyen de l'approcher.

    Elle me facilita la tâche. Les clés de sa voiture glissèrent de ses doigts alors qu'elle sortait de sa camionnette, et tombèrent dans une flaque d'eau.

    Elle se pencha, mais j'arrivai le premier, les attrapant avant qu'elle n'eu a plonger ses doigts délicats dans l'eau froide.

    Je m'adossai à sa camionnette pendant qu'elle se redressait avant de se raidir.

    - Pour quelle raison as-tu fait ça ? Brailla-t-elle.

    Oui, elle était toujours fâchée.

    - Fait quoi ? Demandai-je en lui tendant ses clés.

    Elle tendit sa main, et je laissai tomber les clés dans sa paume. Je pris une profonde inspiration, engloutissant son odeur.

    - Surgi à l'improviste. Précisa-t-elle

    - Bella, je ne suis quand même pas responsable si tu es particulièrement inattentive.

    Mes paroles étaient humoristiques, c'était presque une blague. Y'avait-il quelque chose qu'elle ne remarquait pas ?

    Avait-elle remarqué, par exemple, comme ma voix avait enveloppé son nom, comme une caresse ?

    Elle me regarda, n'appréciant pas mon humour. Son rythme cardiaque s'emballa – de colère ? De peur ? Après un moment, elle regarda le sol.

    - Pourquoi ce bouchon, hier soir ? Demanda-t-elle, sans me regarder. Je croyais que tu étais censé te comporter comme si je n'existais pas, pas t'arranger pour m'embêter jusqu'à ce que mort s'ensuive.

     

    Très fâchée. J'allais faire un effort pour arranger les choses avec elle. Je me souvins avoir résolu d'être digne de confiance...

    - Je rendais service à Tyler, histoire de lui donner sa chance.

    Puis je ris. Je ne pus m'en empêcher, repensant à la tête qu'elle avait faite.

    - Espèce de...haleta-t-elle, puis elle s'interrompit, apparemment trop furieuse pour finir.

    La voilà : cette expression, exactement la même. Je me retins un nouveau rire. Elle était déjà assez hors d'elle comme ça.

    - Et je ne prétends pas que tu n'existes pas. Finis-je.

    C'était ainsi que je devais m'y prendre : rester sur le ton de la conversation, la taquiner. Elle ne comprendrait pas si je lui montrais mes véritables sentiments. Ca l'effraierait. Je devais maîtriser mes sentiments, garder les choses au clair.

    - C'est donc bien ma mort que tu souhaites, puisque le fourgon de Tyler n'y a pas suffit !

    Un éclair de colère me traversa. Pouvait-elle réellement penser une chose pareille ? Il était irrationnel de ma part d'être si offensé – elle ne savait rien de la transformation qui s'était opéré en moi durant la nuit. Mais j'étais tout de même en colère.

    - Bella, tu es complètement absurde. Assénai-je.

    Elle rougit et me tourna le dos. Elle commença à s'éloigner.

    Remords. Je n'avais pas le droit de lui en vouloir.

    - Attends ! suppliai-je.

    Elle ne s'arrêta pas, alors je la rattrapai.

    - Désolé pour ces paroles désagréables. Non qu'elles soient fausses (parce qu'il était bel et bien absurde de penser que je puisse vouloir sa mort) mais je n'étais pas obligé de les dire.

    - Et si tu me fichais la paix, hein ?

    Crois moi, voulais-je lui répondre, j'ai essayé.

    Et, à propos, je suis désespérément amoureux de toi.

    Reste clair.

    - Je voulais juste te poser une question, c'est toi qui m'as fais perdre le fil. Dis-je en riant.

    Je venais d'avoir une idée lumineuse.

    - Souffrirais-tu d'un dédoublement de la personnalité ? Demanda-t-elle.

    Cela y ressemblait fort, en effet. J'étais plutôt lunatique, à cause de toutes ces nouvelles émotions qui me traversaient.

    - Voilà que tu recommences. Lui fis-je remarquer.

    - Très bien, soupira-t-elle. Vas-y, pose-la, ta question.

    - Je me demandais si, samedi de la semaine prochaine... ( je vis je choc traverser son visage, et retint un autre rire ), tu sais, le jour du bal...

    Elle m'interrompit, me regardant enfin dans les yeux.

    - Essaierais-tu d'être drôle, par hasard ?

    Oui !

    - Et si tu me laissais terminer ?

    Elle attendit en silence, ses dents mordant doucement sa lèvre inférieure.

    Cette vue attira mon attention pendant une seconde. Cela provoqua d'étranges réactions au plus profond de mon enveloppe charnelle jusqu'alors oubliée. Je tentai de les mettre de côté pour pouvoir me concentrer sur mon rôle.

    -J'ai appris que tu allais à Seattle, ce jour là, et j'ai pensé que tu avais peut-être besoin d'un chauffeur. Lui proposais-je.

    Je réalisai que, mieux que de l'interroger sur ses projets, je lui demandais de m'inclure dedans.

    Elle me regarda, choquée.

    - Quoi ?

    - As-tu envie qu'on t'accompagne là bas ?

    Seul dans une voiture avec elle...ma gorge me brûla à cette seule pensée. Je pris une longue inspiration. Prend en l'habitude...

    - Qui donc ? Me demanda-t-elle, ses yeux montrant à nouveau cette expression abasourdie.

    - Moi, évidemment. Dis-je lentement.

    - Pourquoi ?

    Etait-il vraiment aussi étonnant que je veuille passer du temps avec elle ? Elle avait vraiment dû interpréter mon ancienne attitude de la pire manière qu'il soit.

    - Disons, dis-je aussi naturellement que possible, que j'avais l'intention de me rendre à Seattle dans les semaines à venir et, pour être honnête, je ne suis pas persuadé que ta camionnette tiendra le coup.

    Il semblait plus prudent de continuer à la taquiner plutôt que de me permettre d'être sérieux.

    - Ma camionnette marche très bien, merci beaucoup. Dit-elle de la même voix surprise.

    Elle recommença à marcher. Je ne la lâchai pas d'une semelle.

    Elle n'avait pas vraiment dit non, alors j'insistai.

    Dirait-elle non ? Que ferais-je si elle refusait ?

    - Mais un seul réservoir te suffira-t-il ?

    - Je ne vois pas en quoi ça te concerne.

    Ce n'était toujours pas un non. Et son cœur recommençait à s'emballer, sa respiration à s'accélérer.

    - Le gaspillage des ressources naturelles devrait être l'affaire de tous.

    - Franchement, Edward ! Ton comportement m'échappe. Je croyais que tu ne désirais pas être mon ami.

    Un frisson de ravissement me prit quand elle prononça mon nom.

    Comment pouvais-je répondre clairement à cela tout en restant honnête ? Bon, il était plus important que je sois honnête. Au moins en ce qui concerne ce sujet.

    - J'ai dis que ce serait mieux que nous ne le soyons pas, pas que je n'en avais pas envie.

    - Ben tiens ! Voilà qui éclaire ma lanterne ! Railla-t-elle.

    Elle s'arrêta, sous l'auvent de la cantine, et rencontra mon regard à nouveau. Son cœur s'affola. Avait-elle peur ?

    Je pris un grand soin à choisir mes mots. Non, je ne pouvais la quitter, mais peut-être serait-elle assez intelligente pour me quitter, elle, avant qu'il ne soit trop tard.

    - Il serait plus...prudent pour toi de ne pas être mon amie.

    Puis, en plongeant dans les profondeurs de chocolat fondu de ses yeux, je perdis ma désinvolture. Les mots que je prononçai en suite brûlèrent d'une trop grande ferveur.

    - Mais j'en ai assez d'essayer de t'éviter, Bella.

    Elle arrêta de respirer et, vu le temps qu'elle mit avant de recommencer, cela m'inquiéta. Combien l'avais-je effrayée ? Eh bien, j'allais avoir la réponse.

    - Viendras-tu à Seattle avec moi ? Demandais-je sans cérémonie.

    Elle acquiesça, son cœur battant la chamade.

    Oui. Elle m'avait dit oui. A moi !

    Puis ma conscience refit surface. Combien cela allait-il lui coûter ?

    - Tu devrais vraiment garder tes distances. La prévins-je.

    M'avait-elle entendu ? Echappera-t-elle au futur qui la menaçait ? Pouvais-je faire quoi que ce soit pour la protéger de moi-même ?

    Reste clair. M'ordonnai-je.

    - On se voit en cours.

    Je dû me concentrer pour m'empêcher de courir alors que je m'enfuyais.


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